Ils refusèrent absolument les présens plus
considérables que nous leur offrîmes, mais
ils reçurent sans scrupule les liv re s, les cartes
et les gravures. Nous leu r donnâmes un atlas
du capitaine Krusenstern, plusieurs cartes de
1 atlas de la Pérouse, ainsi que d’autres cartes.
Ils ne voulurent prendre les estampes qu’en
feuille. M. Ricord leur fit cadeau des portraits
du comte K amen sky, du prince Bagration et
du prince Koutousoff. Ce dernier étoit très-
joliment dessine au crayon pa r le fils du gouverneur
d I rk o u tsk , d’après une gravure. Les
Japonois, instruits par nous du mérite et des
hauts faits des personnages que ces portraits
représentaient, les acceptèrent avec enthousiasme
et reconnoissance j mais ils refusèrent
absolument les cadres et les verres, malgré
tout ce que nous fîmes pour les convaincre
que ces objets n’avoient aucune v a leu r , puisque
les premiers n’étoient que de bois dôré.
Alors nous les prévînmes que le portrait de
Koutounoff pourroit aisément s’effacer • ils
nous répondirent qu’ils le tiendroient dans
leurs mains jusqu’à terre, et qu’ensuite ils
prendroient les mesures nécessaires pour conserver
un morceau si précieux.
Pendant que les personnes en grade se te -
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noient avec nous dans la chambre, le pont de
la corvette étoit couvert de Japonois. Des
soldats, des gens de toute espèce, des femmes
même étoient venus pour vo ir un bâtiment
russe. Quand les employés du gouvernement
nous q u ittè ren t, tout ce monde se précipita
dans la chambre. Nous leur accordâmes v o lontiers
la satisfaction déconsidérer toutes les
cu rio s ité s, et surtout les ornemens de la
chambre que M. Ricord avoit décorée avec
beaucoup de goût. En mémoire du bâtiment
ru s se , M. Ricord donna à chaque Japonois
un morceau de beau drap rouge pour faire
des bourses à tabac, et deu x c ristaux qui pro-
venoient d’un lustre. Ils regardèrent ces derniers
objets comme une grande rareté. Nous
donnâmes aussi différentes choses au x enfans,
et entre autres du sucre que leurs pères leu r
prirent aussitôt, et enveloppèrent soigneusement
dans de petits morceaux de toile. Nos
hôtes restèrent à bord jusqu’à la nuit. Enfin ,
au coucher du soleil, nous fûmes tranquilles,
et nous pûmes nous entretenir mutuellement
de notre patrie et de nos aventures.
Le lendemain, 8 octobre, nous ouvrîmes
par curiosité une des caisses que l ’on avoit
apportées à bord quand nous y étions venus.