y e u x ; quoique je doutasse beaucoup de la
sincérité des Japonois, je fus néanmoins
obligé de le c ro ire , et je me tranquillisai.
Aussitôt après cette entrevue, l ’on améliora
notre nourriture. On nous servit plusieurs
fois une espèce de pâte {T o u f a en japonois),
011 mêla au riz des haricots fins, que l’on regarde
dans ce pays comme un mets très-délicat;
quelquefois même l ’on nous donna de
la soupe à la pou le , et du thé pour boire, au
lieu d’eau. T o u t cela se fit par ordre du gouv
e rn eu r , et à la demande de Teské.
Il arriva, durant notre séjour danslaprison
de la v i lle , un incident que je ne dois pas
passer sous silence. Notre voisin le- Japonois
qui étoit détenu , non pour s ix jours, comme
il nous l ’avoit d i t , mais pour un terme bien
plus lon g , subit dans la cour un châtiment
corporel. Nous entendîmes ses cris. Cet
homme, se trouvant au bain public, avoit pris,
au lieu de ses vêtemens qui ne vàloient pas
grand’ehose, ceux d’un autre qui étoient
beaucoup meilleurs, et prétendoit q u e ç ’avoit
été par méprise. On l ’avoit conduit au tribunal
plusieurs fois, les mains liées derrière le dos.
I l finit par recevoir vingt-cinq coups sur le
dos, ce qui recommença au bout de trois jours.
Nous ne vîmes pas l ’instrument dont on se
servit pour le frapper. Nous entendîmes seulement
les coups et ses cris. Il fu t ramené le
dos nu et sanglant dans la prison. Les valets
crachèrent sur s o n d o s , et étendirent la salive;
ce fut le remède appliqué à ses plaies. Ensuite,
pour montrer qu’il avoit été repris de justice,
on le marqua aux mains, et o n l ’envoya dans
les K ou rile s les plus septentrionales dé celles
qui appartiennent aux Japonois.
L e même jour que cet homme subit sa peine,
un officier c iv il, Matataro le juge criminel et
Koumaddjéro vinren t nous déclarer, d e là
part du gou v e rn eu r , que la punition du c r iminel
détenu avec nous ne de voit pas nous
faire croire que l ’on nous infligeroit un châtiment
semblable ; c a r , d’après les lo is du Jap
o n , n ul étranger ne peut être soumis à u n
châtiment corporel ; nous nous figurions,en
ce moment, que cette assurance étoit fausse ,
et qu’on ne nous la donnoit que pour nous
tranquilliser ; mais nous apprîmes ensuite que
la loi dont on nous avoit parlé existoit réellem
en t, et qu’elle ne souffroik d’exception
que pour les étrangers qui s’efforçoient
convertir des Japonois au christianisme. Les