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vidence ve illo it sur nous, e t , à l ’exception de
M. ChlebnikofF, aucun de nous n’éprouva
d’accident. Notre position désespérée nous fai-
soit oublier et mépriser tousles dangers.Nous
gravissions au-dessus d’abîmes profonds sans
songer à la douleur ni à la mort, et aussi indifféremment
que si nous eussions marché sur
une plaine bien unie. T o u t ce que je souhaitois,
dans le cas o ù i l m’arriveroit quelque accident
, c’étoit que la chute que je ferois fût
assez forte pour me tuer sur le co u p , afin de
ne pas languir dans les souffrances.
Le 3o a v r il, avant le coucher du soleil, nous
rentrâmes dans les montagnes, et nous atteignîmes
un bois où nous nous assîmes à peu de
distancé du chemin. N ous n’osions pas allumer
du feu, et cependant il nous eût été bien nécessaire,
car nous étions tout mouillés par la
plu ie qui n’avoit pas cessé de tomber. Nous
nous couchâmes donc les uns contre les autr
e s , et nous nous couvrîmes de nos voiles.
Mes compagnons mangèrent un peu de nos
provisions; quant à m o i, j’avois entièrement
perdu l ’appétit, mais la soif me tourmentoit
horriblement, ,
A la n u it, nous regagnâmes le rivage. Dans
les villages que nous traversâmes, nous ne
pûmes découvrir n i canot con v en ab le , m
poisson étendu pour sé ch e r; peut-être le
temps de la pêche n’étoit-il pas encore arr
iv é , ou bien l ’on avait rentré le poissOn pendant
la nuit. Nous vîmes des ch ev aux daftâ
les champs, etrnous essayâmes de les prendre;
m a i s ils éloient trop farouches pour se laisser
approcher. En suivant une descente très-toidé
près du bord de la m e r, nous nous aperçûmes,,
à moitié chemin, qu’elle conduisoit directement
dans un yillage. Dans l ’obscurité, nouâ
perdîmes le sentier, et nous prîmes un tas d e .
paille pour une pente très-roide ; à peine
eûmes-nous mis le pied dessus, que nous roulâmes
d u haut en bas, et nous nous trouvâmes
tout près d’une maison sur une aire à battre
le grain. Les chiens vinrent a nous , ce qui ne
nous empêcha pas de continuer tranq uille ment
notre chemin; mais nous fûmes cértâi-
ment aperçus par d eu x hommes qui por-
toient des lanternes. Nous souffrions te llement
de la so if, que nous ne passions pas
un ruisseau sans boire abondamment : toutes
les fois que cela m’a r r iv o it, je me sentois mal
à mon aise, et je salivois sans discontinuer.
Un quart-d’h eure après, la soif mfe tourmentoit
de n o u v e au , et à un tel point que le mur