L’un d’eux représente une portion de mâchoire qui contient six
dents entières^ coniques,^aigues, striées, légèrement arquées, portant,
en un mot, tous les caractères de celles du gavial, et par conséquent
aussi de notre animal de Honfleur. Elles ont été trouvées dans
une pierre calcaréo-argileuse des environs de Ballon, à trois lieues
du Mans, département de la Sarthe.
Un autre représente une dent isolée, plus grosse que les précédentes,
mais également striée et pourvue des deux arêtes tranchantes
qui distinguent toutes les dents des crocodiles, son émail est teint
en noir. Elle est dans une pierre calcaire blanche de la commune de
Bernay, même département.
J’en ai placé moi-même au cabinet du Roi une de cette forme et
du même pays, qui surpasse en grosseur toutes celles que j’ai vues
à des crocodiles vivans, et semble annoncer un individu de trente
pieds au moins. Sa gangue est un calcaire sableux. Quoique cassée
aux deux bouts, sa hauteur est encore de 0,07; le diamètre de sa
base de o,o35. Les stries de son côté concave sont remarquables par
leur saillie tranchante et leur nombre de quinze ou seize. Du côté
convexe, il n’y en a au contraire que trois très-écartées. L ’émail est
teint en brun-noirâtre,
Je l’ai due dans le temps à l’amitié de M. Dureau de La Malle, fils,
aujourd’hui membre de l’Académie des Belles-LettreS,.
Les dessins de M. Mauny présentent encore deux vertèbres lombaires,
d’une carrière de pierre calcaire de Chaufour, près du Mans.
Depuis ma première édition j’ai reçu de M. Dodun, ancien ingénieur
des ponts et chaussées, le même qui a découvert tant de beaux
fossiles près de CaStelnaudary , le dessin d’une partie de mâchoire
contenant cinq dents, et d’une énorme vertèbre, trouvés dans une
pierre calcaire coquillière de cette même commune de Chaufour,
suf la route du Mans à Laval.
Tous ces objets paroissent n’ avoir été ramassés que par les ouvriers
qui exploitent ces carrières pour le raccommodage de la grande
route.
Il seroit bien important que quelque naturaliste fît des recherches
régulières', tâchât d’obtenir des morceaux assez caractérisés pour
en déterminer l ’espèce et s'occupât d’assigner avec précision le gisement
des couches d ou on I a tiree.
A r t i c l e V IL
Résumé de ce chapitre.
On voit que si les crocodiles encore existarts sont plus nombreux
qu’on ne l ’avoit cru, les espèces fossiles de ce genre présentent aussi
une assez grande variété, nous pouvons en compter au moins six de
parfaitement distinctes, et qui ne diffèrent pas moins fies crocodiles
vivans qu’elles diffèrent entre elles : ce sont l’espècè de Morihéim,
les deux de Honfleur et celle de Caen, qui toutes les quatre appartiennent
au sous-genre des gavials, et les espèces de Montmartre et
d’Àrgenton, dont le sous-genre paroît être plutôt celui des crocodiles
ou des caïmans.
Si nous avions eu des parties plus considérables des squelettes de
ce genre qui se sont trouvés à CaStelnaudary, à Mimet, à Àuteuil;
si nous avions pu voir et comparer les morceaux de Lombardie et les
anciens d’Angleterre, il est assez probable que nous aurions été dans
le cas, de déterminer encore les caractères de quelque autre espèce.
Telles qu elles sont, nos connôissances sur ce genre ne laissentpas que
d’avoir un grand intérêt, puisqu’elles nous prouvent que lés crocodiles
.ont subi la même loi que les mammifères , et que leurs espèces
n’ont point résisté aux catastrophes qui ont boulevèrsé la croûte extérieure
du globe ; mais ce qu’elles ont surtout de bien remarquable,
c’ est cette vérité dont nous apercevons ici le premier indice : que
les diverses classes d’animaux vertébrés ne datent pas de la même
époque , et que les reptiles en particulier sont de beaucoup antérieurs
aux mammifères.
Nous avons fait remarquer en effet dans les parties précédentes
de notre ouvrage , que les mammifères fossiles des genres les plus
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