Or tous ceux qui connoissent un peu les lois de la dentition savent
que les germes de dents ne peuvent s’observer autrement dans le
squelette, quand le noyau pulpeux qui les soutenoit et la capsule
membraneuse qui les enveloppoit ont ete détruits.
« La position de cette double dent, ajoute-t-il ( ibid.) , est telle
» que si elle yenoit à être rompue par un coup ou par un acci-
» dent, sa compagne éprouveroit nécessairement le meme sort. »
Gela peut être vrai quelquefois à cette époque du développement
de la dent de remplacement où elle a déjà jpénétré fort avant dans
le creux" de la dent en place, mais cela ne prouve rien pour le cas où
celle-ci tombe naturellement.
Il y a une difficulté plus réelle qui a été saisie par M. Tenon, et
que ce savant anatomiste a résolue avec sa sagacité ordinaire. .
Les dents du crocodile étant souvent des cônes parfaits qui vont
en s’évasant toujours vers la racine, comment peuventrelles tomber
hors deleurs alvéoles dont l’entrée se trouve plus étroite que le fond?
C’est que la dent de remplacement, en se développant et en remplissant
le creux de la dent en place, comprime sa substance contre
les parois de l’alvéole, lui fait perdre sa consistance, la fait fendre,
et la dispose à se détacher au moindre choc au niveau de la gencive :
les fragmens restés dans l’alvéole en sont ensuite aisément expulsés
par les forces de la nature vivante.
On trouve souvent dans les crocodiles qui changent leurs dents de
ces anneaux formés dans l’alvéole par les. restes des anciennes dents
cassées, et au travers desquels les nouvelles commencent à poindre.
Nous en verrons aussi de pareilles dans les mâchoires fossiles des
vrais crocodiles.
Le plus souvent la base du cône de la dent n’est pas entière, et
l’on y voit une échancrure plus ou moins profonde à la face qui regarde
le dedans de la mâchoire : c’est que le germe nouveau se forme
un peu plus du côté interne de l’alvéole, et que c’ est de ce côté qu’il
commence à empêcher la continuation de la dent en place, comme
nous venons de le dire. -
L ’échancrure est proportionnée à la grandeur que le germe a acquise:
quelquefois il y en a deux, parce qu’un second germe s’est,
développé avant la chute de la dent en place; d’autrefois il y a un
trou au lieu d’une échancrure; enfin, tant que le germe est fort petit,
l’échancrure n’existe pas, et le germe lui-même n’en a jardais.
Nous n’avons pas besoin de dire en détail que toutes les dents du
crocodile sont aiguës, qu’elles se croisent quand lès mâchoires sont
fermées, que leur émail est plus ou moins strié sur la longueur,
qu’elles ont une arête tranchante en avant et une autre en arrière, etc. ;
çe sont des faitSfgénéralement connus.
Nous avons déjà vu daps notre section précédente en quel nombre
elles sont dans chaque espèce. Les trois sous-genres ont la première
et la quatrième de chaque côté en bas et la troisième en haut plus
longues et plus grosses; ensuite dans les crocodiles proprement dits
et les caïmans, c’es,t la onzième d’en bas, etleshuitième et neuvième
d’en haut.
Le caïman à.paupières osseuses fait une légère exception : ce sont
la douzième d’en bas et la dixième d’en haut qu’il a les plus longues.
Après la quatrième, elles sont toutes presque égales dans les gavials;
aussi leurs mâchoires ne sont-elles pas festonnées comme
celles des autres sous-genres. Ce festonnement augmente avec l’âge
et avec la grosseur des dents qui en est la suite.
La quatrième dent d’en bas peut porter le nom de canine, car
elle répond à la suture qui sépare l’intermaxillaire du maxillaire de
la mâchoire supérieure.
Les cinq ou six dernières dents de chaque côté sont plus obtuses,
plus comprimées que les autres, et leur couronne se distingue de
leur racine par un étranglement notable ; mais cette différence n’a
lieu que dans les crocodiles et les caïmans : on ne l’observe point dans
les gavials.