Ce fut avec ces matériaux que je repris mon travail en 1810,
j’y joignis une quantité d’échantillons que j’avois encore recueillis
dans divers' cabinets, ou qui avoient été envoyés au Muséum par ses
correspondans. J’examinai de nouveau tout ce que j’avois déjà vu;
je parcourus encore une fois tous lés auteurs plus anciens; il étoit
impossible que de cette manière je ne fisse encore de grands pas
vers la vérité ; et en effet, j’arrivai à une énumération assez distincte
et assez complète pour qu’il ait été long-temps impossible d’y rien
ajouter. Feu Brugmans m’a dit que, pendant cinq ou six ans, il avoit
cherché de tous côtés à se procurer des crocodiles, sans en avoir
obtenu d’espèce différente des miennes, et moi-même, qui me suis
occupé avec non moins de zèle de cette recherche, je n’en ai vu
qu’une seule que je fusse dans le cas d’ajouter à mon catalogue.
A r t ic l e II.
Remarques sùr les caractères communs au genre des Crocodiles ,
et sur ses limites.
Nous avons présenté, au-commencement de cette section, les
caractères communs à tous les crocodiles.
Ce genre, ainsi déterminé, ne peut être confondu avec aucun autre
genre de reptiles.
La dragone , ce saurien remarquable que M. de Lacépède a fait
connoître le premier avec exactitude, mais qui n’est point, comme
il l’a cru, le lacerta dracoena de Linnæus ( i ) ; la dragone, dis-je,
se distingue suffisamment des crocodiles, par ses pieds de derrière à
cinq doigts libres, inégaux et onguiculés, par sa langue extensible
et fourchue, par ses dents postérieures arrondies, quoiqu’elle s’en
rapproche un peu par la forme de ses écailles et par sa queue forte‘{
i) Le lacerta dracoena de Linnæus, pris de Séba, pl. l o i , fig. i , n’est autre que le
monitor aquatique du N il, le même que lacerta nilotica d’IIasselquist et de Forskahl.
ment comprimée. Elle appartient, ainsi que le leza rd et, lacerta
iica rin a ta , à la tribu des sauvegardes d’Amérique (i). 'P
Ces caractères ne souffrent point d’exceptions en dedans du genre.
Tous les crocodiles à cinq doigts derrière , à doigts de derrière libres
et à doigts tous onguiculés, indiqués par quelques auteurs, sont uniquement
fondés sur des figures de Séba, faites sans aucun soin, d’après
des individus qui n’avoient aucun de ces caractères hétéroclites
que le peintre leur attribuoit par étourderie. Je puis le dire avec
d’autant plus d’assurance, que la plupart des individus de Séba
m’ont passé sous les yeux , soit dans les cabinets de Hollande, soit
dans l’ancienne collection du stadhouder.
A r t ic l e III.
Division du genre C rocodile en trois sous-genres. — Caractères
de ces sous-genres.
Notre ancienne division se trouve parfaitement confirmée par nos
observations nouvelles.~La forme générale que nous venons de déterminer
sè modifie dans ses détails en trois formes particulières ,
auxquelles il convient de donner des noms.
Nous commencerons par ceux dont le museau est plus court, et
nous terminerons par ceux qui l’ont plus allongé : de cette manière
les crocodiles proprement dits, ceux qui portent ce nom de toute
antiquité, formeront le sous-genre intermédiaire-
(i) On verra plus loin (au chapitre des lézards) que l’ostéologie de la dragonne est à peu
près la même que celle du sauvegarde, et très-différente de celle des crocodiles.