§ n . L es crânes et les mâchoires supérieures.
i°. T ête à museau p lu s allongé.
Averti par ces deux mâchoires inférieures qu’il pouvoit exister
deux espèces à Honfleur, je devois songer d’abord à en retrouver
le crâne et la mâchoire supérieure. La collection que j’avois reçue de
Rouen m’en offroit bien quelques fragmens ; mais le premier propriétaire
avoit eu la malheureuse idée de les faire scier et polir ; il
en avoit même dispersé une partie dans d’autres cabinets. C’est par
une suite presque incroyable de hasards que j’ai rassemblé et que
j’ai pu rapprocher six morceaux qui avoient appartenu au même
crâne, et dont deux étoient restés chez l’abbé Bachelet; deux avoient
passé dans le cabinet de. M., de Drée; deux autres enfin me furent
envoyés de Genève par feu M. de Jurine, sans qu’il se doutât de
l’importance dont ils étoient pour cette recherche particulière.
Au moyen de ces six morceaux, je suis parvenu à reconstruire
une portion considérable du crâne, contenant tout l’occiput et la
plus grande partie delà face supérieure et des côtés jusqu’au museau.
C’est par des hasards semblables que j’ai rassemblé trois fragmens
qui avoient appartenu,à un seul et même museau, et dont je n’avoîs
donné que deux dans ma première édition, (pl. V III, fig. 3 et 4).
Ces deux-ci étoient dans le eabinet de feu l’abbé Besson ( i) ; le
troisième étoit dans celui de M. Faujas, à qui Besson l’avoit donné,
sans s’apercevoir qu’il ne formoit qu’un même tout avec les deux
autres, ■:
Après avoir réuni ces trois pièces comme ellesi l’avoient été autrefois
dans la nature, j’ai eu l’idée de les rapprocher du crâne formé,
comme je viens de le dire, par le rapprochement de six autres (i)
(i) L ’abbé Besson les tenoit de l’abbé Bacbelet, et ils venoient de Honfleur. C’est tout-à-
fait au hasard, comme il lin étoit trop ordinaire, que M. Faujas avoit imaginé, qu’ils
venoient d’Altorf. Ceci répond encore à la demande faite à ce sujet par M, d e S oemm erring
( Mém. sur le Crocod. de Monheim , § 20).
morceaux, et j’ai vu que ce museau s’adaptpit si bien à, ce crâne,
qu’il ne me reste aucun doute qu’il n’y ait appartenu, qu’il n’ait été
trouvé en même temps, en un mot, que ces neuf fragmens n’aient
fait originairement partie d’une seule et même tête individuelle, et
n’aient été ainsi dispersés par l’incurie et le peu de connoissances de
leur premier possesseur.
Leur réunion, comme tant d’autres hasards heureux dont j’ai été
favorisé dans le cours de mes travaux scientifiques, me met aujour-
d hui à même de faire connoître presque complètement la tête de
cette espèce remarquable.
Quand à' toute force on ne voudroit pas admettre que le museau
fût du même individu que le reste du crâne, il n’en demeureroit pas
moins certain qu’il appartenoit à un individu de même espèce et de
même grandeur ; par conséquent les-caractères de cette tête n’ en'se-
roient pas moins constatés.
Nous la représentons, pi. X,,. fig< r, en dessus; fig. 2y en defesousy
fig. 3 , de côté; fig. 4, en arrière.
Sa longueur, dans son état mutilé, est de trente-deux pouces ou
0,86,7 i et comme on ne peut donner moins de quatre pouces pour
le bout du museau qui manque , elle doit avoir eu trois pieds.
La plus grande de mes tètes de gavial n’a que trente-un pouces ;
mais cette différence est la moindre dé celle que présentent ees deux
espèces.
Le gavial a le museau plus large à proportion , et même absolument.
Sa largeur au milieu est de 3" 3-" (0,89) ; celle du fossile de
2" 3"' ( o,o63 ).
L ’excès de largeur du gavial est bien plus marqué encore à l’occiput.
Il a entre les deux angles mastoïdiens 8" 5"' ( 0,23) , le fossile
n’a que 6' 3"' (0,17).
Il résulte de là que le crâne du fossile a une forme oblongue tout
autre que celle du gavial, et qui se joint au museau par un rétrécissement
insensible, et non par une contraction brusque.
Les détails des parties donnent des différences non moins évidentes.
L occiput du gavial est limité en haut par une ligne horizontale