Tous les animaux connus jusqu’à présent dans ce genre réunissent
encore les caractères suivans, mais qui pourroiént se trouver un jour
moins généraux et moins essentiels.
1°. Cinq doigts devant, quatre derrière ;
2°. Trois doigts seulement armés <1 ongles à chaque p ied : ainsi
deux devant et un derrière sans ongle ;
3°. Toute la queue et le dessus et le dessous du corps revêtus
d’écailles carrées ;
4°. L a plus grande partie de celles du dos relevées Æarêtes
longitudinales plus ou moins saillantes ;
5°. L es fla n cs garnis seulement de p etites écailles rondes ;
6°. Des arêtes semblables fo rm a n t sur la base de la queue deux
crêtes dentées en scie , lesquelles se réunissent en une seule sur le
reste de sa longueur ;
70. L es oreilles ferm ées extérieurement p a r deux lèvres charnues;’
"
8°. L es narines fo rm a n t un long canal étroit qui ne s'ouvre
intérieurement que dans lé gosier ;
90. L es y e u x munis de trois paupières;
1 o°. D eux p etites poches qui s ’ouvrent sous la gorge- et contiennent
une substance musquée.
Leur anatomie présente aussi des caractères communs à toutes les
espèces, et qui distinguent très-bien leur squelette de celui des autres
sauriens.
1°. Leurs vertèbres du cou portent des espèces de fa u sses côtes
q u i, se touchant par leurs extrém ités, empêchent Vanimal de
tourner entièrement la tête de cô té;
2°. L eur sternum se prolonge au -d elà des côtes e t p orte des
fausses côtes d’une espèce toute particulière qui ne s articulent
point avec les vertèbres, mais ne servent qu’à garantir le bas-
ven tre, etc.
D’après tous ces caractères, les crocodiles formèrent pour moi un
genre très-naturel, que différèns auteurs systématiques avoient plus
ou moins pressenti, mais auquel ils avoient eu le tort de joindre des
espèces qui avoient bien le caractère assigné par leur système, mais
qui s’éloignoient du genre pour tout le reste.
Pour arriver ensuite à la distinction des espèces , je commençai par
mettre de côté les crocodiles à long bec, vulgairement nommés crocodiles
du Gange ou gavials, et qui formoient, de l’aveu de tout
le monde, au moins une espèce bien distincte.
Alors il me resta tout ce que l’on connoisspit sous les noms vulgaires,
et souvent pris l’un pour l’autre, de crocodile, et de çaiman
ou d’alligator.
Ces animaux sont extrêmement multipliés dans les cabinets de
France, à cause de nos relations avec l’Egypte, le Sénégal et la
Guyane, qui sont, avec les Indes orientales, les climats où on
trouve le plus de crocodiles. ■
J’en examinai à cette époque près de soixante individus des deux
sexes, depuis douze à quinze pieds de longueur jusqu’à ceux qui
sortent de l’oeuf, et je crus voir qu’ils se réduisoient tous à deux espèces,
que je définis ainsi :
1 °. Crodddile : à museau oblong, dont la mâchoire supérieure
est échancrèe de chaque côté pour laisser passer la quatrième
dent d’en-bas, à pieds de derrière entièrement palmés.
2°. Caïman: à museau obtus, dont la mâchoire supérieure
reçoit la quatrième d ’en -ba s dans un creux particulier qui la
cache ; à pieds'de derrière demi-palmés.
Tous les individus de la première forme dont je pus alors apprendre
l’origine avec certitude venaient du Nil, du Sénégal, du Cap ou des
Indes orientales.
Tous ceux de la seconde dont je pus apprendre l’origine avec certitude
venoient d’Amérique , soit de Cayenne ou d’ailleurs.
J’établis donc à cette époque deux espèces bien distinctes de crocodiles,
sans compter ceux à long museau, et je crus pouvoir assigner
pour patrie, à l’une, l’ancien, à l’autre, le nouveau continent,
J’en indiquai une troisième , celle de l’Amérique septentrionale ,■
dont je n’avois alors qu’un seul indi vidu, et dont la distinction s’est
confirmée depuis.