Ce rocher contenoit aussi (dit toujours Lamanon) « des ossemens
» de toute espèce, comme des tibia, des fémurs, des côtes, des
» rotules, des mâchoires et des dents. Quelques fémurs sont trop
» longs et trop gros pour avoir appartenu à des hommes. — 11 y a
» aussi des ossemens plus petits encore que ceux de la souris. —
» Quant aux rotules, aux mâchoires et aux .dents,, elles sont entiè-
« rement semblables à celles que M. Guettard a fait graver à la
» suite d’un mémoire qui est le troisième de sa collection, » (La plupart
tirées de Montmartre. )
Lamanon, qui connoissoit Montmartre , ne put manquer d’être
frappé de cette ressemblance entre les carrières à plâtre d’Aix et
celles des environs de Paris, où l’on trouve également des ossemens
d’animaux terrestres, dès squelettes de poisson, des tortues et des
restes de palmiers, et il parle expressément de ces rapports singuliers.
Il est malheureux que ni lui ni les autres descripteurs des plà—
trières de Provence n’aient poussé plus loin les recherches comparatives,
ou n’aient donné du moins des figures exactes des autres
restes des corps organisés qu’elles recèlent.
On peut compter cependant, parmi ceux qui en ont parlé après
lui, trois hommes habiles, Darluc, Saussure et M. Faujas; mais
quoique les deux derniers aient indiqué avec plus ou moins de détail
les divers bancs de marne qui recouvrent ceux de gypse, ils n’ont
parlé des poissons que d’après Darluc. Or, celui-ci dit d’abord qu’on
y trouve « l’empreinte de petits poissons rouges avec la tête un peu
» large, le bec effilé et le corps formé en losange, dont les arêtes,
» l’épine du dos et la queue sont attachées à la pierre par le suc la-
« pidifique ; qu’on les prendroit, au premier aspect, pour autant.de
» petites dorades, mais qu’on en feroit plutôt des malarmats ou ga-
» linetos, dont les analogues ne sont point dans nos mers ,(1). »
Certainement c’est là un discours inintelligible, car il n’y a nulle
ressemblance entre une petite dorade, soit que l’on entende par.là
le cyprinus auratus, ou le sparus auratus, ou le coiyphena hipr
(1) Darluo, Hist. nat. de Provence., I , 49-
puris, et le malarmat ( tripla cataphracta ) ; d’ailleurs le malarmat
n’est-rien moins qu’étranger aux mers de Provence, ,.
Lors donc que Darluc ajoute « qu’on y voit aussi des mulets baril
bus, de grandes dorades, èt des loups, et qu’il y a observé un
» merlan qui se mordoit la queue, » on peut bien révoquer en doute,
l’exactitude de sa nomenclature.
On pourroit même suspecter la murène dont parle d’après lui
Lamanon.
Saussure y découvrit une empreinte qu'il jugea de feuille de palmier
(1). M. Faujas en ayant rapporté une autre, M. Desfontaines l’a
regardée comme venant de quelque grande espèce de graminée
étrangère à nos climats (a),.-:
M. Faujas nous a donné les hauteurs des divers lits. Celui qui renr
ferme les poissons est à trente-sept pieds de profondeur; le premier
banc de plâtre exploité, à six pieds plus bas; et le second, à trente-
neuf pieds plus bas. Celui-ci, qui a cinq pieds d’épaisseur, repose
sur un plâtre feuilleté qui contient encore des petits poissons (3).
Je me suis procuré quelques-uns de ces poissons d’Aix. J’en ai eu
les plus petits assez entiers. Ce sont des acanthoptérygiens thoraciques
à deux dorsales: la première est haute, pointue, soutenue par
six épines dont la deuxième est la plus longue et la plus forte; la
deuxième dorsale est aussi assez haute en avant, contiguë à la première,
et compte onze ou douze rayons, dont le premier est épineux
et le plus long. La caudale est fourchue et de quinze rayons. A l’anale
on en compte dix, dont les trois premiers épineux et forts, surtout
le second. Je n’ai pu compter ni les rayons branchiostéges, ni
ceux des pectorales et des ventrales, et je n’ai pu voir s’il y a des
dentelures ou des épines aux pièces operculaires; mais d’après toute
la tournure de ces poissons, je les crois de petites espèces du genre
perça. Les poissons-plus grands dont, j’ai eu des restes sont aussi des
(0 T^oyage dans les Alpes, t. I I I , p. 33o.
(2) Armales du M u sdüm , t. "VIII, p. 226.
(3) Loc. cit‘. , p. 225.