Il peut très-bien mordre sa queue : ce qui prouve que ces animaux
sont plus flexibles qu’on ne le dit.
Je trouve aussi dans une note d’un pharmacien de Saint-Domingue,
qui m’a été remise par feu M. Parmentier, que le crocodile de Saint-
Domingue préfère la chair de nègre ou de chien ; qu’il la laisse pourrir
avant de la dévorer; qu’un individu très-jeune, retenu en captivité,
ne put être nourri qu’avec des boyaux à demi-putréfiés; que la femelle
a l’instinct de venir découvrir ses petits quand ils éclosent.
Pour éviter le crocodile, les chiens aboient, et les chevaux battent
l’eau dans un lieu afin de l’attirer, et se hâtent ensuite d’aller
boire plus loin.
Le crocodile de Saint-Domingue est généralement nommé cài-
man par les colons et par les nègres de cette île.
7°. C rocodile a nuque cuirassée. ( Crocodilus cataphractus, N ob.)
J’ai observé cette espèce en 1818 au Muséum des Chirurgiens de
Londres, où bon en conserve un individu fort desséché. Son müseau
est encore plus allongé et plus étroit que dans le crocodile de Saint-
Domingue; la longueur dé sa tête étant comprise deux fois et demie
dans sa largeur. Il n’a sur le chanfrein ni cette convexité particulière
à l’espèce de Saint-Domingue, ni aucune autre marque notable;
On lui compte dix-sept dents de chaque côté à la mâchoire supérieure,
et quinze à l’inférieure. Les fosses du crâne se voient au travers
de la peau comme dans les Crocodiles.
Ce qui le caractérise encore plus que son museau, c’est l’armure
de sa nuque.; après deux plaques ovales isolées,, et une rangée de
quatre autres plus petites, également ovales et isolées, il vient cinq
bandes écailleuse^,continues entre elles et avec les écailles du dos,
formées chacune de deux grandes écailles carrées, Les deux premières
paires sont fort larges; les trois suivantes diminuent graduellement ;
et toutes ensemble forment sur la nuque une cuirasse aussi* 1 solide,
que celle d’aucun cdiman ou gavial. Les écailles du dos sont carénées
et disposées par rangées transversales de six chacune, excepté
es deux premières qui n’en ont que quatre.
Cette espèce est évidemment distincte de toutes celles que j’ai décrites
dans ma première édition; malheureusement on n’a point conservé
de note sur son origine (i).
111°. Espèces de G aiti als.
Le premier qui ait parlé d’un crocodile à bec cylindrique est le
peintre anglais Edwards. Il en décrivit, en lySô, dans le t, 49 des
Trans. p h il. , pl. 19, un individu sortant de l’oeuf, qui avoit encore
son sac ombilical pendant hors de l’abdomen, et il fit de ce sac, lequel
n’est que le reste du jaune qui n’est pas encore rentré dans
l’abdomen, comme cela arrive toujours un peu après la naissance; il
en fit, dis-je, un des caractères de l’espèce. Il l’annoncà comme venant
de la côte d’Afrique.
Gronovius en décrivit brièvement un autre de son cabinet, en
1763 (Z o o p h p. 10), et loua beaucoup la figure d’Edwards,
Merck en décrivit un troisième, en 1785 ('Hessische Beytroege,
m 1, P. 73, et Troisième Eettre sur les Os J'os s. , p. 9.5 ), auquel
la figure d’Edwards ne lui parut au contraire point ressembler du tout.
On auroit pu dès lors soupçonner qu’il y en avoit deux espèces.
C’est ce que parut faire Gmelin (Syst. n a t., t. I,part. III, p. io 58);
mais il indiqua des caractères peu exacts.
Tous ces individus étoient petits et les descriptions courtes.
M. de Lacépède donna le premier la description complète, avec
les mesures et la figure, d’un individu long de douze pieds, venu de
l’Inde au Muséum. C’est ce célèbre naturaliste qui a donné à l’espèce
le nom indien de gaoial. Son traducteur allemand, M. Bechstein, en
a décrit un autre de six pieds.
Mais notre Muséum en possède depuis long-temps un de plus de
deux pieds et demi, que M. de Lacépède a déjà indiqué dans son ouvrage
, et un squelette à peu près de même grandeur que j’ai fait pré-
' CO Graves t dans le t. II des Annales générales des Sciences physiques , p. 343, décrit
encore deux crocodiles qu’il regarde comme nouveaux, et qu’il nomme, l’un Cr. intermedius,
1 autre Cr. planirostris; maïs comme il n’en donne pqintde figure , il est difficile d’en porter
un jugement positif.