Je cherchai enfin à rapporter à chaque espèce les différentes figures
éparses dans les auteurs.
Tels furent l’objet et les résultats de ce premier travail , que je
consignai, en 1801, dans les Archives zootomiques et zoologiques
de feu Wiedeman, professeur à Brunswick, t. I l , cah. II,
p. 161 et suiv.
Mais pendant les dix années qui se sont écoulées entre l’impression
■ de ce mémoire et la première édition de mon ouvrage sur les os
fossiles, il s’est fait sur les crocodiles des recherches importantes ',
soit par divers naturalistes français ou étrangers, soit par moi-même;
et ces recherches ont modifié en deux sens différens les résultats
que j’avois obtenus.
Elles ont montré, i°. que ce que je regardois seulement comme
deux espèces, formôîent réellement deux subdivisions du genre ,
susceptibles de se partager elles-mêmes, au moyen de caractères secondaires,
en plusieurs espèces différentes-^
2°. Que ces deux subdivisions ne sont pas entièrement propres
aux deux continens auxquels je les attribuois respectivement, mais
que le crocodile de Saint-Domingue , par exemple, quoique formant
bien une espèce à part, ressemble néanmoins beaucoup plus
aux crocodiles proprement d its, ou de l’ancien continent, qu’à ceux
qui se trouvent le plus communément dans le nouveau, et auxquels
j’ai restreint le nom de caïmans -
3°. U seroit donc possible que l’ on découvrît réciproquement par
la suite dans l’ancien continent quelque espèce appartenante à la
subdivision des caïmans.
Il est juste que je rapporte ici les noms de ceux à qui nous devons
les augmentations de nos connoissances sur ce genre important.
Je ne peux pas ranger dans le nombre ceux qui ont travaillé aux
nouvelles éditions de Buffon; ils n’ont rien donné d’original : leurs
figures même sont copiées d’après d’autres figures et mal choisies. Le
seul Daudin a indiqué, sous le nom de crocodile à large museau,
une espèce nouvelle qui paroît être la même que mon caïman à
paupières osseuses.
Shaw n’y appartient pas non plus. Dans son Histoire des Reptiles,
imprimée en 1802 (1), il n’admet que deux espèces à museau
court, le crocodile commun et X alligator ; mais pour représenter
1 alligator, il prend, d’après Gmelin et Laurenti, cette figure altérée
de Séba dont d’autres avoient fait le fou ette-q u eu e ' et ses
deux figures de crocodiles, pl. 55 et 58, sont des caïmans. Ses caractères
sont les anciens de M. Blumenbach et de Gmelin.
Je ne puis y ranger davantage feu M. Faujas de Saint-Fond, quoi-
quil ait écrit deux fois e x professo sur le genre des crocodiles.
Au lieu de vérifier sur les individus nombreux qu’il avoit à sa disposition
les caractères que j avois assignés aux crocodiles et aux
caïmans, il aima mieux prononcer sans examen, que « le caïman
» est si rapproché de l’espèce d’Afrique, que quelques naturalistes,
» et je suis du nombre (ajoute-t-il), ne le regardent que comme
» une simple variété qui tient au climat (2).. »
La preuve que, comme je l’avance, il n’avoit point examiné la
question, c est qu il avoit donne quelque temps auparavant une
figure d’un crocodile, qu’il croyoit faite « d’après un individu d’A-
» frique de douze pieds de long , conservé au Muséum d’Histoire
)> naturelle,(I); mais q u i!s etoit laisse tromper par son dessinateur,
qui avoit trouvé plus commode de copier la pl. 64 des Mémoires
pour servir à l ’Histoire des A n im a u x, en y changeant seulement
le paysage. Je suis d’autant plus obligé de relever cette erreur singulière
d’un ouvrage répandu, que cette figure appartient, non pas au
crocodile d’A fr iq u e , mais à celui de S iam - espèce très-différente,
comme on le verra bientôt, et que nous ne possédons malheureusement
point dans les collections de Paris. Cependant c’est cette même
figure qu’on a fait copier encore dans le Buffon de Déterville pour
représenter le crocodile du N il.
Une seconde preuve que M. Faujas n’avoit pas suffisamment examiné
la question, c’est ce qu’il ajoute {E ssa is de G éo l., I , p. \5i ) ,
(1 ) Gener. Zoolog,', vol. I ll, part. I, Amphibia.
(si) Essais de Géol., I , i^g.
£3) Hist, nat, de la montagne de Saint-Pierre, p. a3i ,