A r t i c l e II.
Sur le grand S a u r i e n fo s s ile des carrières de Maestricht.
J’ai traité dans l’un des chapitres précédens et dans celui-ci de la
plupart des animaux fossiles qui ont été considérés à tort ou à droit
comme des crocodiles. Il me reste à parler du plus célèbre et de celui
qui a occasionné le plus de controverses, ayant été pris tantôt pour
un crocodile, tantôt pour un saurien de quelque autre genre, tantôt
enfin pour un cétacé ou pour un poisson.
On n en a découvert jusqu ici les ossemens que dans un seul canton
assez peu etendu, dans les collines dont le côté'gauche ou occidental
de la vallée de la Meuse est bordé aux environs de Maestricht
et principalement dans celle qui porte le fort Saint—Pierre près de
cette ville, et qui forme un cap entre la Meuse et le ruisseau du
Jaar (i).
La gangue est une pierre calcaire très-tendre, dont beaucoup de
parties se réduisent aisément en poussière, et s’envoient en Hollande
où on mêle cette poussière au terreau destiné pour la culture dès
fleurs. D’autres portions de cette pierre sont assez dures pour fournir
des moellons propres à bâtir, et cesdeux usages en ayant fort étendu
l’ exploitation, les carrières en sont aujourd’hui très-vastes.
Celles du fort Saint-Pierre ont environ vingt-cinq pieds de haut; lé
massifcalcaire au-dessus d’elles a été trouvé de deux cent onze pieds,
et l’on a creusé à deux cent treize au-dessous sans découvrir d’autre
pierre. Tout est de même nature , à l’exception de seize pieds environ
d’argile ou de terre végétale qui couronnent la colline.
(i) Je vois dans une note adressée par le docteur Mitchill de New-York à l'administration
du Muséum d’Histoire naturelle , cpie ce savant a des dents fossiles tirées des marnières du
comté de Monmouth, dans l’état de New-Jersey , qu’il considère comme, de la même
espèce que l’animal de Maestricht- L'auteur n’en donne point de description détaillée.
Quant à l’animal fossile de Monheim, que M. de Soemmerring avoit aussi regardé comme
identique avec celui de Maestricht, nous verrons à l’article.suivant qu’il en diffère à plusieurs
égaies
Ce massif calcaire a donc au moins quatre cent quarante-neuf pieds
d’épaisseur; on y trouve en beaucoup d’endroits des rognons de
silex; et ce qui achève de montrer qu’il appartient à la formation
crayeuse, c’est que la pierre sa change par degrés en une véritable
craie, quand on remonte à quelques lieues la vallée de la Mense;
elle contient d’ailleursjes mêmes fossiles que nos craies de Meudon
et des. autres environs de Paris ; savoir, des dents de squales, des gry-
phites des échinites, des bélemnites et des ammonites. Toutes ces
coquilles se trouvent avec les os dans les parties inférieures de la
masse qui sont aussi les plus tendres; les parties supérieures sont plus
dures et contiennent plus de madrépores , aussi n’a-t-on de ces derniers
que lorsqu’il s’éboule quelques fragmens du haut de la montagne.
Il y en a plusieurs de changés eu silex.
Je dois cette description à l’amitié de M. le docteur Gehler de
Leipsick, qui la tient lui-même de M. Minkelers, pharmacien à
Maestricht, autrefois professeur à l’école centrale de la Meuse-Inférieure
, et très-habile chimiste et naturaliste. On s’étonnera sans
doute de la trouver si différente de celle que présente l’H istoire
naturelle de la Montagne de S a in t-P ierre, par M. Faujas, p. 40,
mais il paroît que celui-ci n’avoit connu la composition intérieure de
la montagne que par une excavation qu’une mine avoit produite pendant
le siège et où tout étoit bouleversé; au lieu que la description
de M. Minkelers résulte de fouilles régulières faites sous les ordres,
des ingénieurs français pour les travaux des fortifications.
M. Faujas n’a pas même exactement assigné la nature de la pierre,
car il l’appelle (p. 41 ) un grès quartzeux à grain fin , faiblem ent
lié par un gluten calcaire peu dur.
M. Loisel, associé de l’Institnt, qui a été long-temps préfet de la
Meuse-Inférieure, m’ayant assuré qu’elle étoit entièrement calcaire,
j’en ai fait L’expérience, qui étoit d’amant plus aisée que nous en
avons ici de nombreux échantillons. En effet, tout s’est dissout dans
les acides; à peine est-il resté un peu de poudre silicease; la plupart
des pierres- calcaires et des craies de nos environs en laisseroient davantage.
Deluc avoit déjà fait cette observation dans ses Lettres à