Le crâne n’èst point percé, on n’y voit de trou à aucun âge.
Les dents inférieures sont un peu plus nombreuses qu’aux autres
caïmans et crocodiles. On en compte vingt-une de chaque côté en
bas et dix-neuf en haut.
L ’intervalle entre les deux doigts externes de derrière est sensiblement
moins palmé que dans l’espèce précédente; ce qui doit rendre
celle-ci plus terrestre. Ceux qui n’auroient que des individus desséchés
pourroient même croire que ces doigts y sont tout-à-fait libres.
La nuque est armée, comme dans l’espèce précédente, d’abord
d’une rangée de quatre petites écailles, ensuite de quatre bandes
transversales, munies'de deux arêtes saillantes chacune et qui se joignent
à celles du dos.
Celles-ci sont disposées comme il suit: une à deux arêtes, une à
quatre, cinq à six, trois à huit, deux à six, sept à quatre. Toutes ces
arêtes sont à peu près égales et peu élevées. Les latérales de la base
de la queue sont aussi peu élevées; mais les intermédiaires ne 1 étant
pas du tout, cette partie est plate. Il n’y a que dix rangées avant la
réunion des deux arêtes, et quatorze après; mais un autre individu
en a dix-neuf.
Je n’ai aucune raison pour douter que les individus conformés
ainsi ne soient de Cayenne,
Mais j’en ai quatre autres qui en diffèrent un peu, et dont je fais-
ma seconde variété. Deux sont dans l’esprit-de-vin; ce sont eux qui
ressemblent plus particulièrement à la figure de Séba, et que je crois
lui avoir servi de modèle.
Us ont, i°. une arête partant de l’angle antérieur de l’orbite, en
avant, un peu plus marquée;
2«. Une petite échancrure au bord postérieur du crâne, qui n’est
pas si forte dans les autres ;
3°. La deuxième bande de la nuque est plus large que les autres
et vers son milieu sont deux ou trois petites écailles à crêtes irrégulièrement
disposées ; les grandes arêtes sont taillées en triangles sca-
lènes très-élevés, ce qui rend la nuque plus hérissée que dans aucune
autre espèce ;
4«. Les arêtes du dos, excepté les deux lignes les plus rapprochées
de l’épine, sont aussi très-saillantes et taillées en triangles scalènes.
Il y a sur le dos dix-huit bandes transversales : le nombre de leurs
arêtes varie, mais en général il est de deux et quatre au commencement,
de six et huit vers le milieu; puis il revient à quatre et à deux
à la fin, pour reprendre quatre entre les cuisses. Cette disposition
donne au plastron-général, que les écailles forment sur le dos, une
figure plus elliptique que dans les autres espèces. Les crêtes de la
queue sont aussi fort saillantes. Les doubles ont de neuf à onze rangées;
les simples, de dix à dix-sept.
Le crocodile de Saint-Domingue ne diffère certainement guère
plus de celui du N il, que ces deux variétés ne:diffèrent l’une de
l’autre. S’il s’ajoutoit donc à ces caractères une différence de continent,
tout le monde seroit persuadé qu’il y a là deux espèces.
Ce que dit Séba que ses échantillons venoient de Ceylan n’a rien
de plus certain que tant d’autres erreurs qu’il a débitées sur l’origine
des objets de son cabinet.
Mais un de mes individus, qui étoit depuis long-temps au Muséum,
porte ces mots à demi-effacés : krokodile noir du Niger ■ c’est
l’orthographe et la main d’Adanson.
Ce naturaliste nous dit dans son Ployage qu’il y a deux crocodiles
dans le Sénégal. M. de Beauvoi? ajoute qu’on voit en Guinée un
crocodile et un caïman.
Tout paroît donc bien clair. Voilà une espèce de la forme des
caïmans qui habite en Afrique.
Oui! mais il reste encore un embarras. Adanson dit que son crocodile
noir a le museau plus allongé que le vert. Or celui-ci est certainement
le même que le crocodile du N il; nous l’avons aussi étiqueté
de sa main : et l’espèce dont nous parlons a le museau beaucoup
plus court que celle du N il.
Adanson s’ est-il trompé en écrivant sa phrase ? ou a-t-il mal étiqueté
son individu ? Qui débrouillera tant d’erreurs ? Et les voyageurs cesseront
ils un jour de tourmenter les naturalistes par leurs demi-descriptions
, par leurs mélanges continuels d’observations et d’emprunts ?
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