Je n ose donc pas encore établir ici deux espèces; mais je soupçonne
fort qu’elles sont distinctes.
Dans le cas où cette conjecture se vérifieroit, on pourroit rendre
h la seconde le nom de trigonatus que M. Schneider paroît lui avoir
donné. On diroit en français caïman hérissé.
Il est impossible de rien donner de particulier sur les moeurs de
cette espèce qui n’a point encore été distinguée, et dont la patrie
même n’est pas encore certaine. Bornons-nous à la recommander à
l’attention des voyageurs.
II0. Espèces de Crocodiles.
La difficulté est toute autre pour ce sous-genre-ci que pour le précédent
: les espèces les plus faciles à constater s’y ressemblent beaucoup
plus; et l’on trouve dans les nombreuses variétés d’âge et de
sexe qui sont arrivées au Muséum des diverses côtes de l’Afrique et
de l’Inde, tant de nuances différentes, et rentrant cependant par degrés
les unes dans les autres, qu’il est presque impossible de savoir
où s’arrêter.
Je commencerai par bien déterminer 1 a crocodile vulgaire (i)
d 'É g yp te ( crocodilus vulgaris, N o b . ) , afin d’en faire mon point
de départ. Cet animal, si célèbre dans toute l’antiquité, semble toujours
avoir été méconnu par ceux des naturalistes modernes qui ont
voulu distinguer les espèces de ce genre, excepté par Gronovius.
Laurenti et Blumenbach prennent pour lui le caïman à paupières
osseuses; Schneider, le caïman à lunettes, etc.
Il est vrai que les figures données par les voyageurs qui ont été en
Egypte sont trop mauvaises, et que les crocodiles répandus dans les
cabinets sont la plupart d’une origine trop peu authentique pour
qu’on ait pu s’en aider.
(i) Je suis ici l’exemple des botanistes , qui laissent ordinairement le nom trivial de vul-
gaire aux espèces qui portaient autrefois en propre un nom devenu générique. D’ailleurs ce
crocodile est aussi celui qui parôît le plus répandu.
M. Geoffroi nous a enfin mis àmême d’en prendre des idées précises.
En comparant l’individu qu’il a rapporté des environs de l’ancienne
Thèbes avec les figures de Bélon et de Prosper Alpin, on voit qu’elles
sont détestables ; et en parcourant les muséographes, on ne trouve
que celle de Besler (1) et la douzième de la pl. 104 de Séba qui
soient un peu supportables ; encore ont-elles des fautes essentielles.
Ce vrai crocodile du N il, observé, conjointement avec plusieurs
autres qui étoient depuis long-temps au Muséum sans qu’on en sût
bien l’origine, et qui se sont trouvés lui ressembler entièrement, a
offert les caractères.suivans, outre ceux qu’il a en commun avec tout
le sous-genre crocodile.
La longueur de sa. tête est double de sa largeur. Ses côtés sont
dans une direction générale à peu près rectiligne, et lui font représenter
un triangle isocèle allongé. Les fosses, dont leerâne est percé
sont grandes , et plus larges que longues. Le museau est raboteux et
inégal, surtout dans les vieux, mais n’a point d’arête particulière saillante
qui soit bien sensible. Immédiatement derrière le crâne, sur
une ligne tra v e r se ,, sont quatre petites écailles à arêtes usolées.
Puis vient la grande plaque de la nuque, formée de six écailles à
arêtes. .
Puis deux écailles écartées. --
Ensuite viennent les bandes transversales du dos, presque toujours
au nombre de quinze ou de seize. Les douze premières ont chacune
six écaillés et six aretes ; les trois bandes d entre les cuisses- n’en ont
que quatre chacune.
Toutes ces arêtes sont à peu près égales et médiocrement saillantes.
Il y a de plus de chaque côté une rangée longitudinale de sept ou huit
écailles à arêtes, moins réunies à l’ensemble des autres.•
Les arêtes latérales de la queue ne commencent que sur la sixième
bande à devenir dominantes et à former deux crêtes; celles-ci se
réunissent sur la dix-septième ou dix-huitième bande, et il y en a
encore dix-huit jusqu’au bout de la queue. (V)
(V) Mm. Besler, t. X I I I , fig. 2.