M. Adanson lui-meme sembloit Ravoir oublié ; car, ainsi que nous
1 avons rapporte ci-dessus, il avoit donné pour te l, il y a long-temps,
au cabinet du Roi, un caïman à paupières osseuses, et dans ses
portefeuilles il avoit fait dessiner un crocodile vulgaire comme le
crocodile noir, et un caïman comme le vert. J ai vérifié ce dernier
point en parcourant ses papiers.
Cependant c est à l’aide d’un bocal de son cabinet que je suis revenu
sur la trace de cette espèce, et que je crois l’avoir retrouvée.
Ce bocal portoit pour étiquette de la main d’Adanson, gavial nu
Sénégal , etensuite une addition postérieure en ces mots : et du gange ,
a gueule allongée et étroite. Il y avoit évidemment ici une confusion
fondée apparemment sur le trop de confiance qu’avoit eue Adanson
dans les rapprochemens de Gronovius.
L individu contenu dans le bocal étoit de mon sous*genre crocod
ile , mais d une espece particulière. J’en ai trouvé un semblable
empaille et fort mutile dans le cabinet de l’Académie des Sciences.
La couleur de l’un et de l’autre paroît plus foncée que dans les crocodiles
vulgaires. Je ne doute donc presque pas que ce ne soit ici
le vrai crocodile noir, vu autrefois par Adanson au Sénégal, ensuite
oublié et confondu par lui avec d’autres espèces , lorsque
ses études générales lui eurent fait perdre de vue les, objets particuliers
du voyage qui avoit occupé les premières années de sa
jeunesse.
Ce crocodile a les mâchoires un peu plus allongées que celles de
1 espèce vulgaire j mais elles le sont moins que dans celle de Saint-
Domingue. Il ressemble à cette dernière par les écailles du dos, ayant
comme elle les deux lignes longitudinales d’arêtes du milieu plus
basses que les deux latérales, et celles-ci disposées un peu irrégulièrement.
Mais son caractère le plus éminent, celui par lequel il diffère
de toutes les espèces du sous-genre, c’est que sa nuque n’est
armée que de deux grandes écailles pyramidales sur son milieu, et
de deux petites en avant.
Le nombre des rangées transversales jusque derrière les cuisses
n est que de quinze dans 1 individu empaille. Les deux crêtes latérales
delà queue régnent jusqu’à la dix-septième rangée, et il y en a ensuite
seize à crête simple.
Les écailles des deux lignes longitudinales moyennes sont plus
larges que longues. Celles du dessous ont des pores, mais je n’ai pu
en voir aux supérieures.
6°. L e crocodile a museau effilé o u de Saint-Domingue.
(Crocodïlus acutus, Nos.)
II n’y a point d’équivoque pour cette espèce-ci : elle se distingue
nettement de celle du Nil par les formes comme par le climat. Le
Muséum 1 a tirée de la grande île de Saint-Domingue ; mais il est probable
qu’elle existe aussi dans les autres grandes Antilles, et il seroit
curieux de savoir si on la trouve sur le continent de l’Amérique, à
côté de l'un ou de l’autre caïman.
M. Geoffroy est le premier qui l’ait fait connoître. Le père Plumier
1 avoit cependant décrite, disséquée et parfaitement bien dessinée;
mais1ses observations étoient restées manuscrites f excepté ce
que Gauthier (i) et M. Schneider (2) en ont publié,, le dernier sans
savoir à quelle espèce elles se rapportoient. M. Descourtils en a
donné de nouvelles qui sont pleines d’intérêt, et qui achèvent de
faire connoître ce dangereux reptile (3). Nous en avons vu il y a
quelques mois un individu vivant que l’on a montré dans plusieurs
parties de l’Europe et qui vient de mourir dans la Belgique.
Son museau est plus effile que celui de tous les autres crocodiles
précédens, même du crocodile noir.
La largeur de la tete à 1 articulation des mâchoires est comprise
deux fois et un quart dans sa longueur. La longueur du crâne ne fait
qu’un peu plus du cinquième de la longueur totale de la tête. Les
males ont cependant toutes ces proportions un peu plus courtes que 1 2
(1) Observ. sur l ’Hist. éa t. , fa Pbj-s. et les Arts, X V '. part. , p. i 3 i et suiv.
(2) Histor. Amphib., fascic. II, p. 98 et suiv.
0 ) Voy. d’un Naturaliste, etc}, Paris , 1809, t. IH, p. 1 et suiv.