Collini ne me parut pas non plus avoir bien compté les phalanges
du pied R, et sa figure me sembla en montrer clairement deux au
premier doigt, trois au second, et quatre aux deux survans, sans
compter les os du métatarse; les mêmes nombres exactement s’observent
à ceux du pied de devant.
Enfin, ayant encore porté mon attention sur le petit os cylindrique
marqué g , qui va du crâne à l’articulation dès mâchoires, je me
crus muni de tout ce qui étoit nécessaire pôur classer ostéologique-
ment notre animal parmi lesTeptiles.
Il étoit inutile de sori^èr ni'à Un poisson ni à un cétaeé.
Ce n’étoit pas non plus un oiseau, quoiqu’il eût été rapporté aux
oiseaux palmipèdes par un grand naturaliste ( i ).
Un oiseau auroit des éôtes plus largesf et munies chacune d’une
apophyse récurrente ; son métatarse n’auroit formé qu’un seul os-, et
n’auroit pas été composé d’autant d’os qu’il y a de doigts.
Son aile n’auroit eu que trois divisions après l’avant-bras, et nùn
pas cinq comme celle-ci.
Son bassin auroit eu une toute autre étendué’, efsà quelle osseuse
une toute autre forme ; elle seroit élargie, et non pas grêle et conique.
Il n’y auroit pas eu de dents au bec; les dents des harlès rie tiennent
qu’à l’enveloppe cornée, et non à la charpente osseuse.
Les vertèbres du cou auroient été plus nombreuses. Aucun oiseau
n’en a moins de neuf; les palmipèdes, en particulier, en ont depuis
douze jusqu’à vingt trois-, et l’on n’en voit ici que six ou tout âu plus
sept.
Au contraire, les vertèbres du dos l’auroient été beaucoup moins.
Il semble qu’il y en. ait plus de vingt, et les oiseaux en ont de sept à
dix, ou tout au plus onze.
Feu Hermann, professeur de Strasbourg, qui m’avoit rendu
attentif à cet animal, le suppôsoit un mammifère,- èt.è’étoit même
amusé à le dessiner entier, revêtu de son poil.
(c Je voulois depuis long-temps publier uri mémoire sur cette
\ \ ) Bliimenbach, Manuel d’Histoire naturelle-, éd. de 1807 , p. 731.
pièce ( m’é cri voit-il), et montrer <jue 1 animal doit avoir forme
une espèce plus intermédiaire encore que les chauve-souris entre
» les mammifères et les oiseaux.. » j;i
Malgré l’autorité de cet habile homme, je pensai qu il y avoit
de fortes raisons pour ne point admettre son idée, et je les énonçai
dans ma première édition d’une manière qui me parut devoir suffire
pour la conviction des naturalistes.
Cependant une autorité plus grave encore que celle d’Hermann,
s’est élevée en faveur de son opinion. M, de Soemmerring avoit rangé
notre animal parmi les mammifères et dans le voisinage des chauve-
souris, et il a exposé en détail, à la suite de son mémoire, les motifs
qui lui paroissent affoiblir ou détruire mes argumens, je suis donc
obligé de reprendre toute la description de ce squelette, de donner
plus explicitement mes raisonseur chacun de ses caractères et d’examiner
les raisons contraires de M. de Soemmerring. C’est un petit
procès que j ’ai là ayee un ami, dont je respecte.autant le savoir que
le caractère, et dont je le ferai volontiers juge.
I c ii’aurai pour auxiliaire -M. Qhen, qui, .ny.ant vu de ses yeux le
fossile ,originalj l’aiconsidéré aussi comme un reptile,, et en a même
expliqué heureusement quelques parties que je n’ayois pu bien juger
sur la gravure de Collini : son mémoire à ce sujet est dans l’Isis de
1819, t. 1, p. 1788.
Les dents, par où il faut toujours commencer l’examen d’un animal,
ne présentent ici aucune équivoque. Elles sont toutes simples ,
côniques, et à peu près semblables entre elles comme dans les crocodiles,
les monitors.et d’antres lézards, .Tout le monde sait que les
dauphins seuls,, parmi les mammifères,pourroient présenter quelque
chose de comparable; mais il n’y a pas moyen de songer à ce
genre. M. de Smmmerring.s’estbeaucoup appuyé sur les grancjesdi-
yersités de nombres que MM. Pallas et Geoffroy ont assuré .exister
dans les chauve-souris-;,, et en a conclu que ces variétés pourroient
bien aller jusqnà la dentition de notre fossile. Mais il est de fait
que les chauve-souris n’ont jamais que deux formes de mâchelières ;
les unes, savoir les roussettes, qui .vivent de fruit, les, ont à couronne
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