Feu M. Faujas, frappé de la saillie que forme de chaque côté la-
partie antérieure du bord de ces carapaces, avoit conçu de leur structure,
dans l’état parfait, une idée véritablement singulière, et que
je ne puis m’empêcher de rapporter dans ses propres termes.
« Cette partie supérieure, dit-il (Idist. de la Montagne de Saint-
» P ierre, p. 86), — ressemble assez au haut d’une cuirasse mili-
» taire qui seroit munie d’avant-bras, et annonce que les pattes de
» devant — étoient recouvertes en partie d’écailles adhérentes au
» bouclier; ce qui constitue incontestablement un caractère transi
chan t, bien propre à fo rm er un genre particulier. — Aucune
» des tortues vivantes que nous connoissons ne nous a encore offert
» ce caractère. »
Il répète cette idée dans ses Essais de Géologie (t. I , p. 183) :
k E lle s diffèrent des tortues ordinaires par deux espèces d’avant-
» bras formés de trois pièces, qui se prolongent de côté comme une
» manche d’habit, b
Il n’y a cependant à ces prétendus avant-bras rien d’extraordinaire,
ni qui ne se retrouve dans toutes les tortues dé mer, 'aussi
bien que dans celles de terre et d’eau douce, les seuls trionyx exceptés;
et M, Faujas s’en seroit convaincu lui-même, s’il eût èomparé,
comme il étoit naturel de le faire, ces tests fossiles avec des tests
dépouillés de leurs écailles et réduits à leur charpente osseuse, et
non pas avec des carapaces encore recouvertes de leur enveloppe
extérieure.
Il auroit vu que ce qu’il nomme avant-bras n’est que le commencement
du bord qui entoure la carapace, et qui est ordinairement
formé, comme nous l’avons dit, par vingt-quatre pièces osseuses.
Deux ou trois de ceS pièces seulement étoient restées à ses échantillons,
les autres étoient tombées, L’échancrure qui sépare ce commencement
de rebord du disque de la carapace est produite par l’espace
non ossifié qui reste dans les tortues, et surtout dans celles de
mer, jusqu’à une époque plus ou moins avancée, comme nous l’avons
dit plus haut, et comme nous le montrons dans nos fig. 2 et 3
de la pi. XIII,
Voilà tout le mystère.
Ainsi les tests de tortues fossiles de Maèstricht, représentés dans
1 Jrli.st. de la Montagne de S a in t-P ierre. autant que l’on peut en
juger par ce que 1 on en voit, n’annoncent point un nouveau genre ;
ils ne montrent aucune partie qui ne soit dans lés tests de toutes les
tortues, ni rien qui né ressemble aux tortues de mer, et l’on pour-
roit aisément dessiner ce qui a été emporté du rebord, dont la portion
conservée a donné lieu aux conjectures que nous venons de
élever. Nous indiquons le commencement de ce dessin par des
points dans la fig. 2, pl. XIV.
M. Faujas, dans un autre ouvrage, va bièn plus loin encore; non
content d’avoir établi ce premier genre, il en établit encore un autre,
ou du moins une autre espèce , toujours avec ces tortues de la montagne
de Saint-Pierre, mais avec des échantillons mutilés autrement.
Camper avoit dit qu il possédoit le dos entier d’une tortue de
cettem ontagne, lon,g de quatre pieds e t large de seize pouces (1 ) ;
])n c^an°ine dé Liege, irlandais de naissance, nommé le comte de
Preston, en avoit un dans son cabinet, à peu près de la même grandeur,
que Buchoz a aussi fait graver.
M. Faujas regarde cette disposition singulière comme tenant à
une espèce particulière e t inconnue (2), et quelques lignes plus
loin il ajoute que les trois individus du Muséum offrent deux autres
espèces bien distinctes.
II.nous paroit, etilparoitra sans doute de même au lecteur, que
les,(3eux échantillons de Camper et de Preston avoient simplement
perdu la totalité de leur bord, en ne conservant pas même ce commencement
resté dans les autres, et nommé avant-bras par M. Faujas,
tandis qu’il leur étoit resté la partie dorsale complète; mais c’est
la un pur accident d ou 1 on ne peut tirer aucun caractère.
Cependant, tout certain quil est que les tortues de Maèstricht,
dans tout ce que nous en connoissons, portent les caractères généri-
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CO Trans, phil. pour 1786.
(2) Essais de Géologie, I , 182.
T. V, 2e. p.