
 
		L ’égalité dès  écailles,  des  arêtes  et  de  leur  nombre  dans chaque  
 bande,  et  leur position sur six  lignes longitudinales,  fait  que  cette  
 espèce a l’air d’avoir le dos régulièrement pavé de  carreaux  à quatre  
 angles. 
 Les  écailles du dos et de  la nuque,  surtout  celles  des  deux  lignes  
 longitudinales  du  milieu,  sont  plus  larges  que  longues  ;  celles  du  
 ventre  ont un pore plus ou moins marqué vers leur bord postérieur.  
 La  couleur du dessus est un vert  de  bronze plus ou moins  clair,  piqueté  
 et marbré  de  brun;  celle  du dessous,  un  vert  jaunâtre. 
 Nous  avons  au  Muséum  des  individus  depuis  un  et  deux  pieds  
 jusqu’à  douze'de  longueur,  qui ne  diffèrent  pas  sensiblement  de  
 l ’individu  rapporté par M.  Geoffroy. Nous en avons surtout  de bien  
 authentiques ,  qui ont  été  rapportés  et  donnés par M. Tedenat  Du-  
 vent,  fils  du  consul  de  France à Alexandrie,  et  dont  un  a  dix pieds  
 de  long. 
 Nous  retrouvons aussi tous  ces  caractères  dans  un  individu  très-  
 petit,  à  peine  sortant  de  l’oeuf,  rapporté  du  Sénégal par  le  docteur  
 Roussillon,  et dans  un  individu  de  neuf pieds,  apporté récemment  
 de  notre  Colonie  sur  ce  fleuve. 
 Ainsi  l’espèce  du Nil  se  trouve  aussi  au  Sénégal.  Il-est  probable  
 qu’elle se trouvera également dans le Zaïre,  dans  le  Jooliba  et  dans  
 les autres fleuves de l’Afrique. Elle existe certainement à Madagascar,  
 d’où il en a été envoyé un individu par M. Havet, jeune homme plein  
 de mérite,  que  son  zèle pour l’histoire  naturelle  avoit  conduit  dans  
 cette île,  et  qui y  est  devenu martyr de  la science. 
 Parmi tous  les  crocodiles que  nous  rapportons  à  cette  espèce,  il  
 en  est  qui  ont  la  tête  un  peu  plus  allongée  à  proportion  de  sa  largeur, 
   et  un  peu  plus plate,  ou  plutôt  moins  inégale,  à  sa  surface.  
 Nous en avons deux ou trois individus entiers et quelques têtes, dont  
 une  a  été trouvée embaumée dans les grottes de Thèbes par M. Geoffroy. 
   L ’un  des  deux premiers  a  été  donné  par Adanson,  et étiqueté  
 de  sa  maiu  crocodile vert -du Niger.  Outre  les  différences dans la  
 forme  de  la  tête,  ces  individus  en  offroient  quelques-unes  dans  les  
 nuances de leurs couleurs. 
 Ces différences, jointes au témoignage des pêcheurs de la Thébaïde,  
 autorisent la distinction admise par M. Geoffroy, sinon d’une espèce,  
 au moins d’une race particulière de  crocodile  vivant en Egypte avec  
 l’autre.  Si nous ne  l’inscrivons pas ici  à son rang,  sous le nom de su-   
 chus  que  lui  a  donné M.  Geoffroy,.c’est  qu’il  nous  reste  encore  le  
 désir de la suivre dans ses divers âges,  et  quelques légers doutes  sur  
 l’ancien emploi  de. ce nom. 
 En effet,  c’est  ici  le  lieu  de  discuter brièvement  l’opinion  de  Ja-  
 blonsky  (1)  et  de M.  Larcher  (2),  que  le  suchus  ou  souchis  était  
 une  espèce particulière de crocodile,  et celle que l’on élevoit de préférence  
 dans les  temples. 
 Il paroît d’abord certain que ni Hérodote, ni Aristote, niDiodore,  
 ni Pline,  ni Ælien,  n’ont  eu l’idée de deux espèces de crocodiles en  
 Egypte. 
 Lorsque Hérodote,  après avoir dit  que les habitans d’Eléphantine  
 mangent  les crocodiles,  annonce  qu’on  les  nomme  chamsès,  il  le  
 dit d’une manière  générale,  qui ne s’applique ni à  ce canton ni à une  
 espèce  particulière  :  xatâovjai  i l   ê  -Ætoy.6Sn/ct,  à/./.ri  ;  par  ces 
 mots,  ils  ne  sont pas nommés  crocodiles,  mais  champsès,  il  ne  
 veut  pas dire qu’on les nomme  crocodiles dans le reste de l ’Egypte,  
 et  champsès  seulement à Eléphantine,  puisqu’il assure  ensuite  que  
 crocodile  est  ionien. 
 Lorsqde  Strabon  emploie  le  nom  de  suchus  ou  souchis,  il me  
 paroît  ne  l’appliquer  qu’à  l’individu  consacré  en  particulier.  Ces  
 mots (3), y, ait êçw bfjàç (ypcxûSiiXoç) vrap  lujoïç h'/su-vp yctir av-rcv Tçitpo/amç,  
 XeiçoitQtiç ’totçieçevcn, julM‘ï-rai  àl  (ou p l u t ô t s e l o n   la correction  
 faite par Spanheim d’après les manuscrits de Photius), ne doivent  
 pas se traduire en termes généraux : L e  crocodile est sacré chez eux  
 | les Arsinoïtes ) ,  et nourri séparément dans un lac } etd ou xp ou r  
 les p rêtres,  e t nommé strcms; mais  bien en  termes particuliers: I ls  1 2 3 
 (1)  Panth. ceg.,  III, 70. 
 (2)  Herod.,  2e.  éd.,  I I , 5i 4 > note 255. 
 (3)  Strab.,  liv. X Y I I ,  e'd. d’A m s t e r d . 1.707, I I ,  i i6 5 , D.