plus autorisés que ceux qui vouloient les distinguer n’en saisissoient
point les véritables, caractères.
Par exemple, M. Blumenbach, dans ses anciennes éditions," et
Gmelin, d’après lui, disoient du crocodile: Capite cataphracto,
nucha carinata - et du caïman ( lac. alligator) : Capite imbricafo
p ia n o , nucha nuda.
Or la tête est cuirassée ( cataphractum) dans toutes les espèces ;
aucune ne l’a tuilée {imbricatum), il n’y en a pas même l’apparence.
Pour p la n e, elle l’est dans toutes ; toutes ont la nuque garnie
d’un bouclier écailleux et non nue, Enfin l’on ne comprend pas comment
cette nuque pourroit être carenée- car ce mot ne peut signifier
que form ée de deux plans q u i fo n t un angle ensemble: or c’est ce
dont aucun crocodile ne présente même l’apparence.
Quant à l’autre caractère qu’ils assignoient : Couda cristis latera-
libus horrida et lineis lateralibus aspera, ce sont des différences
du plus au moins qui varient dans les mêmes espèces, et qui par
conséquent ne les distinguent point les unes des autres.
Bonnaterre donnoit à son crocodile pour caractère d’être : P e -
dibus posterioribus tetradactylis palmatis triunguiculatis, rostro
subconico elongato ■ caractère vrai, mais qui ne distingue rien.
Celui qu’il donnoit à son caïman : Pedibus posterioribus tetradactylisfissis
unguiculatis, étoit faux; et la suite, rostro depresso
sursum reflexo , ne l’étoit guère moins.
Laurenti donnoit à son caïman ou crocodile i l Amérique cinq
doigts à tous les pieds, parce qu’il se fondoit sur cette même figure
fautive de Séba, tab. 106.
Gronovius étoit le seul qui eût connu une partie des caractères
réels ,p lan tisp a lm a tis, etp la n tis v ix semi palmatis ■ mais il n’a-
voit point fait mention de ceux qui se tirent des dents et de plusieurs,
autres encore : d’ailleurs tout ce qu’il avoit dit avoit été négligé par
ses successeurs.
Et si l’on vouloit suppléer à ces caractères imparfaits, en consultant
les figures indiquées par chaque auteur comme représentant les,
espèces qu’il établissoit, on tomboit dans de nouveaux embarras.
Gmelin citoit, sous A crocodilus, la fig. 3 , pl. io 5 de Séba, qui
est un caïman (celui que nous appellerons à paupières osseuses) ,
etmettoit, sous L.gangetica ou Iegavial, toutes celles de la pl. io4,
qui sont en partie des caïmans, en partie des crocodiles. Il citoit
sous ce même gangetica la fig. i , pl. io 3 , qui est un crocodile ,■ et
sous crocodilus les fig. 2 et 4 ; qui sont à peine caractérisées. La
fig. 2 revenoit une seconde fois sous 1 efou ette-qu eue. Sous L . alligator,
Gmelin cite, d’après Laurenti, la pl. 106, qui, comme nous
l’avons dit, n’est qu’une figure altérée du crocodile.
C’est cette même figure dont MM. de Lacépède et Bonnaterre
font leurfou ette-q u eu e, et qu’ils associent à celle de la pl. 319 du
premier volume de Feuillée, qui est un gecko.
Gmelin, de son côté, assOcioit à ce gecko la fig. 2, pl. io 3, qui
paroit un vrai crocodile.
Gronovius donnoit comme une excellente figure de crocodile la
douzième de la pl. 104, assez bonne à la vérité, mais qui a un doigt
de trop.
Il étoit donc impossible de rien imaginer de plus embrouillé.
Ayant besoin pour mes recherches sur les crocodiles fo s sile s de
me faire des idées justes sur les crocodiles vivons, j’essayai, il y a
vingt et quelques années, d’éclaircir ce sujet.
Mon premier soin dut être d’établir en peu de mots les caractères
qui circonscrivent le genre.
J’appelai crocodiles, avec Gmelin et M. Brongniart, tous les lé zards
ou reptiles sauriens qui ont,
i°. L a queue aplatie par les côtés ;
20. L es p ieds de derrière palmés ou demi-palmés
3°. L a langue charnue attachée ou plancher de la bouche ju s que
très-près de ses bords, e t nullement extensible •
4°. D e s dents aiguës simples, sur une seule rangée ,•
5°, Une seule verge dans le mâle.
La réunion des trois premiers caractères détermine le naturel
aquatique de ces animaux, et le quatrième en fait des carnassiers
voraces.