tiennent tous les trois à ma division des crocodiles ,• mais je ne puis
voir dans les courtes indications qu’il en donne aucun caractère suffisant
pour les rapporter à une espèce plutôt qu’à une autre.
7°. Enfin son crocodilus p entonix est un être imaginaire. Il dit
que c’èst le crocodilus terrestris de Laurenti ; mais ni Laurenti ni
M. Schneider ne l’ont vu, et tous les deux s’appuient sur les figures
de la pl. 104 de Séba, et sur la fig. i de la pl. io 3.
Or toutes ces figures sont faites sans aucun soin : les unes, d’après
dejeunes caïmans sortant de l’oeuf; les autres, comme la i i e. , pl. 104,
d’après de jeunes crocodiles. L ’ouverture des oreilles, dans la fig. i ,
pl. io 3 , est un effet du dessèchement; les cinq ongles en sont un de
l’incurie de l’artiste. Si l’on songe qu’il y a des ongles de trop dans
les figures de crocodiles les plus modernes, tandis que le texte qui
les accompagne dit formellement le contraire, comment établira-t-
on une espèce sur de simples figures où le texte ne dit rien ?
Dans l’état actuel des observations effectives, je ne puis croire à
un crocodile à cinq doigts e t à cinq ongles à tous les pieds que
lorsqu’on me le montrera.
Telle est l’analyse des espèces de crocodiles proposées par
M. Schneider dans le deuxième cahier de son Histoire des Amphibies.
Il faut que ce savant professeur ait eu autrefois des idées bien différentes
de celles-là; carM. Blumenbach dit avoir réformé d’après
lui, dans sa sixième édition imprimée en 1799, les caractères du
crocodile et du caïman , qu’il répète encore en 1808 ( dans sa VIIIe.
édition). Or il y attribue au crocodile d’être pourvu scuto supra-
orbitali osseo, testa calvarice integra ( ce qui désigne notre espèce
de caïman à paupières osseuses ) , et au caïman , tegmine supra-
orbitalicoriaceo, testa calvarice bifenestrata(ce qui désigne l’une
quelconque des espèces de la forme du vrai crocodile).
Ces caractères n’avoient donc pas une application juste, mais ils
étoient fondés sur des observations réelles, et l’indication des paupières
osseuses étoit surtout un fait important qui pouvoit diriger
l’attention vers une espèce méconnue jusque-là.
M. Geoffroy nous a rendu le service éminent d’apporter enfin de
la Thébaïde un crocodile du N il authentiquement constaté. Il nous
a appris que les pêcheurs de ce pays-là prétendent en connoître deux
autres espèces. 11 a rapporté un crâne momifié tiré des catacombes,
qui l’a mis sur la voie pour retrouver des individus analogues dans
nos collections de Paris ; et comme ce crâne et ces individus diffèrent
en quelques points du crocodile ordinaire, il les a jugés de l’une de
ces espèces annoncées par les pêcheurs. Il a pensé que c’étoit dans
cette espèce que l’on prenoit les crocodiles plus particulièrement révérés
des Egyptiens, et que c’étoit à elle qu’appartenoit le nom de
suchus, rapporté par Strabon et Photius. Ses nombreuses observations
sur les habitudes du crocodile expliquent parfaitement ce que
les anciens en avoient dit d’obscur ou de douteux , et ajoutent beaucoup
à son histoire naturelle. Il a donné enfin une description comparée
des os qui composent la tête de cet animal, laquelle enrichit
de vues nouvelles et intéressantes l’ostéologie des reptiles.
Mais ce que M. Geoffroy a fait de plus important pour l’objet actuel
de nos recherches, c’est de constater la ressemblance étonnante
du crocodile de Saint-Domingue avec Gelui du N il, et par conséquent
les grandes différences qui distinguent le premier du caïman
le plus commun à Cayenne.
En effet, le général Rochambeau avoit envoyé à notre Muséum
un crocodile de Saint-D om ingue, préparé, et un autre plus petit,
vivant, qui mourut au Hâvre, mais qui arriva à Paris assez frais pour
que je le disséquasse.
La description de cette espèce par M. Geoffroy est insérée dans les
A nn. du Mus. d’H ist. n a t., t. I I , p. 53.
Enfin M, Descourtils, qui a résidé long-temps à Saint-Domingue,
a présenté à l’Institut une anatomie du crocodile de ce pays-là, faite
sur plus de quarante individus qu’il a disséqués, et accompagnée
d’une foule de grands dessins : il en confirme parfaitement les caractères.
Un extrait de son travail se trouve dans l’ouvrage qu’il a publié en
1809 sous Ie titre de Hoyage d’un N a turaliste, t. III.