•174 TERRAIN TERTIAIRE SUPÉRIEUR.
j'aborderai maintenant le littoral méridional ou asiatique
de ce dernier détroit, et à cet effet nous allons nous diriger
de Bounarbaschi à Lapsaki et de là à Guredjé.
I I .
Lorsque, après avoir franchi les massifs serpentineux qui,
au nord-ouest du village d'Iné, resserrent le lit du Menderé
Sou S on commence à descendre vers la région littorale de
la Troade, le géologue est frappé non-seulement par la
beauté du coup d'oeil qu'elle lui offre, mais encore par la
métamorphose soudaine que subit l'aspect de la contrée;
car celle qu'il voit se déployer devant lui est éminemment
empreinte du cachet d'une époque géologique fort récente.
Aussi ne tarde-t-il pas à en recueillir les preuves, avant
même de mettre le pied dans cette région, car il les trouve
déjà sur le versant inférieur du massif serpentineux qui le
sépare des plaines de la ïroade, puisque ce massif est revêtu
de dépôts de calcaire blanc tout pétri de coquilles, à
la vérité plus ou moins triturées et brisées, mais rappelant
par leur ensemble les caractères d'une faune lacustre ou
saumâtre évidemment très-récente.
Descendu enfin dans la région littorale qui, du haut des
montagnes, se présente comme une surface unie, on se
convainc qu'elle est au contraire hérissée de nombreuses
séries de collines et de plateaux échelonnés le long de la
côte asiatique du détroit des Dardanelles. C'est sur une de
ces collines qu'est situé Bounarbaschi, l'humble représen-
'1. Voj'ez Roches éruplives,p. 414.
CHAPITRE II. -175
tant de l'antique Troie. Toutes ces collines, revêtues de
broussailles de chêne kermès ^ sont composées de calcaire
blanc jaunâtre, plus ou moins siliceux ou marneux, compacte
ou triable, disposé en couches horizontales et chamarré
de coquilles, parmi lesquelles dominent d'innombrables
Melanopsis coslata. Fer., ainsi que des moules d'une
nouvelle espèce d'Anodonte nommée par M. Fischer inoilouto
hellespontica % associées à plusieurs Mactres indéterminables.
Les calcaires et grès qui alternent quelquefois avec des
sables jaunes marneux beaucoup moins fossilifères que les
premiers, atteignent sur plusieurs points une puissance
considérable et se dressent en remparts élevés, à surfaces
horizontalement striées avec une admirable symétrie par les
couches nombreuses qui les composent. De belles dénudations
de ce genre se voient sur le sentier qui conduit de
Bounarbaschi à Giaour Koï (appelé aussi Eren Koï), notamment
à 2 lieues de ce dernier, ainsi que le long de la
colline qui porte le village même. Les habitants de Giaour
Koï m'assurèrent (en 1817) que tout autour de cette localité,
les dépôts calcaréo-marneux renferment beaucoup d'ossements
fossiles de dimensions gigantesques
'I. Quereus coccifera, espèce qui, dans cette contrée, se fait remarquer
par l'abondance et surtout par la grosseur de ses noix de galle, dont les surfaces
résineuses d'un rouge noir petillent vivement au soleil.
2. Voyez Paléontologie de l'Asie Mineure, p. 349. pl. vi, fig. 2.
3. Les habitants de Giaour Koï m'apprirent de plus qu'à la demande
duconsul d'Angleterre (c'était alors M. Calvert), ils lui avaient fourni à plusieurs
reprises de grandes quantités de ces ossements que le consul envoya
successivement en Angleterre. L'intérêt qui s'attache à des monuments paléontologiques
de cette nature, indépendamment de leur provenance,
acquiert une signification toute particulière quand il s'agit do l'Asie Mi