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328 Tl í l l R A I N TERTIAIRE SUPÉRIEUR.
La coupe que nous venons d'elTectuer nous ayant de
nou\'eau ramené à Konia, nous ne pénétrerons pas davantage
dans celte partie de la Lycaonie, dont les vastes dépôts
lacustres seront l'objet du chapitre suivant; en conséquence,
nous terminerons le présent ciiapitre par un coup d'oeil
rapide sur la région comprise entre le lac de Beïschehr et
celui de Soghla, région située à la vérité dans le voisinage
immédiat de la contrée traversée par notre dernière coupe
(de Kérelu à Konia), mais dont certains points, notamment
!e lac de Soglila, sont restés trop en dehors de cette coupe
pour que l'on ait droit de leur appliquer les conclusions
qu'elle a fournies.
Le Soghla Gueul n'était, à l'époque oîi je le visitai (le 16
octobre 1 8 4 8 ) , qu'une vaste plaine limoneuse, que je pus
traverser à cheval dans toute sa longueur, en y recueillant
une foule d'Unio et d'Anodontes voisins (ÏUnio pictomm et
d'Anodonta cyproea, deux espèces communes dans les lacs
de l'Europe et qui, quelques années avant mon passage eu
ces lieux, vivaient dans les eaux du Soghla Gueul, de concert
avec de nombreux poissons, parmi lesquels les carpes
[Cijprinus carpís, L.) avaient dù atteindre des dimensions
considérables, à en juger par les spécimens de cette espèce
q u e j e trouvai chez les habitants d'Yalidja, à l'état de poisson
salé^.
1, Le dessèchement spontané de ce bassin, qui n'a pas moins de 12
lieues de circonférence et M lieues carrées de surface, el dont t'exislence
a été constatée non-seulement par les anciens, qui le connaissaient parfaitement
sous le nom de ÎMCtis Trogilis, mais encore par les voyageurs modernes,
n'est point un cas isolé, car il s'est reproduit plus d'une fois dans
le cours de mes ex|)lorations en Asie Jliiieure, et entre autres pour le lac
de Kestel et celui d'ilgliun que j e trouvai lous deux parfaitement à sec,
le premier en 1849 et le deuxième eu '1852. C'est un phénomène qui vient
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Or si, parmi les mollusques vivants, le fond du lac ne
m'avait f o u r n i que des bivalves, par contre, le rivage oriental
de ce bassin m'olfrit des empreintes de coquilles fossiles
exclusivement turriculees, appartenant particulièrement aux
genres Limnée, Paludine, Melanopsis, etc., contraste qui
fait ressortir le changement que la faune de ce bassin a
éprouvé, dans le cours d'une période comparativement restreinte
et récente. Ces fossiles se trouvent dans les bancs
horizontaux de calcaire, dont est composée la partie du
rivage qui porte Yalidja et qui est de 7 mètres 55 centimètres
au-dessus du fond du lac, tandis que l'altitude absolue
du village est de 1 ,135 mètres \
Il est probable que les dépôts lacustres mis à nu dans
les parages d'Yalidja constituent également le fond du lac,
où ils seraient masqués par une nappe épaisse de limon.
Du côté du sud, ces dépôts n'atteignent point les parages
de Siristat (Bozkyr Maden), et se trouvent, dans cette
direction, limités par des montagnes de calcaires et schistes
il l'appui des nombreux exemples que j'ai fait valoir dans ma Géographie
comparée de l'Asie Mineure, pour démontrer la tendance constamment
progressive que présente cette contrée à accroître son élément continental
aux dépens du domaine de l'eau, soit eu avançant ses côtes par le développement
rapide des delta, soit en empiétant sur les lits des cours d'eau, ou
sur les bassins lacustres. Parmi les exemples remarquables relatifs à c e
dernier phénomène, j e rappellerai particulièrement les considérations formulées
dans le chapitre m (p. 106-133) de l'ouvrage susmentionné, et
entre autres sur le Lacus Capria des anciens, converli aujourd'hui en une
plaine marécageuse, ainsi que sur l'énorme extension qu'a dù avoir, du
temps do Strabon, le lac de Ladik, acluellement très-peu étendu.
1. Comme, d'après ce que me dirent les habitants d'Yalidja, l'eau du
lac baignait la rive qui porte le village, et se trouvait presque au niveau de
cette rive, il s'ensuivrait que la profondeur du lac n'atteignait point
8 mètres.