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50 T E R R A I N TERTIAIRE MOYEN.
(le juillet, je voyais cliaque jour les Taiicraônes revêlir leurs
pelisses de mouton aussitôt après le coucher du soleil.
Pour se rendre de la yaïla d'Alibeï au pelit village de
Karatasch, on longe du nord-ouest au snd-est, sur une ligne
de plus de 2 lieues, les hauteurs arrondies et parfaitement
nues qui forment le bord oriental de la yaïla, et l'on descend
ensuite dans une gorge profonde, dont les parois,
symétriquement rayées par les bancs horizontaux de calcaire,
sont pétries (ïlleliaslroea Ellisiana, Defr., ainsi que
de plusieurs autres Coralliaires indéterminables, auxquels
s'associent çà et là, mais comparativement en petit nombi'e,
VArca subanliquala, d'Orb., et plusieurs moules ou empreintes
de Cardium subhians, Fesch.
Ces dépôts, caractérisés par la prédominance des
lleliaslrcpa, formaient très-probablement des récifs depoly-
])iers dans cette partie de la mer miocène, hypothèse d'autant
plus fondée que ces parages paraissent avoir été limitrophes
du cordon littoral, attendu qu'ils se trouvent dans
la proximité du Tepé Dagh, du Gueschler Dagh et d'autres
massifs qui, ainsi que je l'ai fait observer plus haut (p. 52),
appartiennent, selon toute vraisemblance, à une époque
antérieure au terrain miocène, et doivent être rapportés,
soit au terrain tertiaire inférieur, soit au terrain crétacé.
La gorge que l'on franchit en se rendant de l'Alibeï
Yaïla à Karatasch peut avoir, du norct-ouest au sud-est, une
longueur d'environ 2 kilomètres, et bien que passablement
profonde, son altitude est encore de près de 2000 mètres.
Elle s'élargit peu à peu et débouche dans une contrée
dont la physionomie subit un changement très-avantageux,
car les hauteurs, jusque-là parfaitement nues et à contours
linéaires, revêtent des formes pins variées et se couvrent de
C H A P I T R E II.
forêts; cependant à mesure qu'on se rapproche du misérable
village de Karatasch (Karatasch Yaïla), dont l'altitude
est de J.891 mètres, le pays reprend de nouveau son air de
désolation et d'aridité et le conserve jusqu'à la proximité
du massif montagneux de Djebelhissar, situé à une lieue
environ au sud-est de Karatasch, et séparé de cette dernière
localité par une petite plaine rétrécie à son extrémité
sud-est, en une vallée profonde et nue qui s'élève graduellement
vers le massif.
Le nom collectif de Djebelhissar s'applique à un groupe
de hauteurs, traversées de vallées peu profondes et souvent
planes, et revêtues de beaux taillis de chênes % d'érables %
et de genévriers ". Cependant l'absence complète d'eau et
l'énorme accumulation de blocs et de galets dont le sol est
partout encombré, conservent à la contrée occupée par le
Djebelhissar un certain caractère d'aridité et d'inhospitalilé.
La roche qui compose le groupe de Djebelhissar est un
-l. Parmi le très-petit nombre de plantes réfugiées entre les fissures des
rochers,j e recueillis plusieurs espèces nouvelles et entre autres une Armeria
nommée par M. Roissier .1. glulinosa (décrite dans le 1 " volume,
p. 238, do ma Flore de l'Asie Mineure), ainsi que quelques espèces rares
ou intéressantes, telles que i'Alsine juniperina, Fcnrzl., Convolvulus
galaiicus, Chaz., Trifolium orientale, Roiss., etc.
2. Quercus calUprinos, Webb, et Q. iberica, MR.
3. Acer monspessulanum, L.
4. Juniperus excelsa,m., J. rufescens, Lmtc. et .7^. drupacea, Labil.
La remarquable espèce do genévrier à fruit comestible, signalée pour la
première fois par Labillard en Syrie, sous le nom de Junipenis clrupcea,
est une espèce fort rare, exclusivement orientale et encore imparfaitement
connue des botanistes. Le fruit, qui est de la grosseur d'une noix,
a un goût aigre-doux très-agréable. Nous en fîmes sur le Djebeltiissar une
ample provision, qui pendant plusieurs jours nous servit de nourriture
à mes gens et à moi.