8S T E U R A I N ÏERÏIAlRli MOYEN.
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surgir en masses très-considérables sont complètement dépourvus
de trace oi'ganique, bien qu'il soit fort probable
que celte série de dépôts fasse également partie du domaine
miocène.
Après avoir traverse Guiaour Kevi pour se rendre sur
le plateau élevé de Hadjiman Ya'ila, on franchit pendant
deux hem'es plusieui's hauteurs composées de marnes
blanches et jaunâtres rappelant beaucoup les marnes crétacées;
elles sont tantôt horizontalement stratifiées, tantôt
plongeant au sud et au sud-ouest, et alternent localement
avec un grès jaunâtre ou d'un rouge sale, soit friable, soit
très-compacte. Les rives élevées d'un petit ruisseau nommé
Kilardjik, vers lequel on descend (à o lieues au nord-estnord
de Karsanty Oglou) sont toutes striées par le grès
jaune friable, plongeant au sud-ouest. En descendant encore
' plus bas, on voit surgir d'abord des couches horizontales de
marnes blanches alternant avec du grès marneux, et plus
loin, des couches puissantes de conglomérat principalement
composé de galets arrondis de serpentine, ce qui donne à
ces dépôts une teinte très-foncée; les couches sont horizontales
ou légèrement inclinées, et çà et là, on aperçoit les
grès reposant distinctement sur le conglomérat. Celui-ci
prend souvent une teinte rouge qui le fait contraster avec
les nuances vertes et jaunes des marnes et grès qui le
recouvrent.
A oli lieues 1/2 au nord-est-nord de Karsanty Oglou, la
contrée est hérissée de hauteurs arrondies ou pointues, toutes
composées de congloméiats et couronnées de couches de
grès et de marnes vertes, soit horizontales, soit inclinées au
sud-est; en même temps, les conglomérats se colorent d'un
rouge vif par l'oxyde de fer dont les sables et les marnes
qui contiennent les galets du conglomérat sont tellement
imprégnés, qu'on aurait probablement pu les exploiter avec
avantage; d'ailleurs, j'ai aperçu à Guiaour Kevi beaucoup de
scories qui y attestent la présence de foui'neaux pour la
fonte du minerai; mais les habitants se refusèrent obstinément
à me donner le moindre renseignement à cet égard,
tant ils sont intéressés à soustraire les richesses naturelles
du pays à la connaissance des autorités locales, car celles-ci
ne manqueraient pas, non-seulement de s'emparer du produit
de leur travail, mais encore de les y astreindre par la
force pour en recueillir gratuitement tout le bénéfice, perspective
qui menace les habitants de Guiaour Kevi plus que
les habitants de tout autre village de la contrée limitrophe,
attendu qu'ils sont chrétiens et que par conséquent on se
gênerait encore bien moins avec eux qu'avec les vrais
croyants^
En continuant toujours à nous diriger parallèlement à
l'axe de l'Ala Dagh, c'est-à-dire au nord-est de Karsanty
Oglou, on voit, à h lieues (au nord-est-nord) de ce dernier,
les dépôts de marnes, grès et conglomérats, interrompus
'1. Le nom de Guiaour kevi {guiaour, inQdète,- impie, et kevi ou ko'i,
village) est généralement donné en Turquie aux villages habités par les
raya ou. sujets chrétiens (grecs ou arméniens) qu'ils qualifient quelquefois
d'épitliètes encore bien moins flatteuses, comme par exemple, de domouz
ou hanzyr (porc, cochon). C'est de ce rapprochement peu courtois que
tiro son nom le village si connu dans les environs de Conslantinople sous
le nom de ûomouzdéré (vallée des cochons). A force d'habitude tous ces
sobriquets ont tellement perdu de leur caractère offensif, que les chrétiens
n'y voient plus qu'autant de désignations géographiques ou locales, en
sorte que même en parlant entre eux, ils s'appliquent sou\eut le nom de
Guiaour, exactement comme les habitants de l'Allemagne ou de la France
emploieraient les termes de Ravarois, de Prussien, de Normand ou de
Provençal pour se distinguer des autres habitants de leur commune patrie.
1 àw iÉtteâd.