ses, à la prière de l’ambassadeur et des consuls
russes et surtout de celui qui est à Trébizonde,
d’où partent presque tous les vaisseaux qui vont
en Circassie. Le pacha de Trébizonde s’est donné
beaucoup de peine pour faire comprendre aux
habitants les suites de leurs démarches et que ce
sera à leurs risques et péril que les Russes brûleront
ou confisqueront leurs cargaisons, sans que
jamais le sultan ait l’intention de faire la moindre
réclamation à ce sujet.
Les Turcs savent donc ce qui les attend; mais
le gain est trop grand et l’appât trop irrésistible,
pour qu’ils puissent ne pas se laisser entraîner à
hasarder quelque chose. Ils ont toujours l’espérance
de pouvoir se glisser le long des côtes,
dont la hauteur empêche les croisières d’apercevoir
ces petits navires, et une fois là, ils sont
reçus à bras ouverts par les Tcherkesses qui les
défendent jusqu’à la dernière extrémité.
Le résultat des expéditions de i 833 fut que
l’on brûla en tout seize petits vaisseaux et sept
magasins.
En attendant, la guerre de la Circassie avait
attiré les regards de toutes les nations de l’Europe
jalouses de la puissance de la Russie et du
progrès de ses armes en Orient et en Turquie.
L’Angleterre surtout ne pouvait voir de bon
oeil qu’un état fit tout son possible pour s’assurer
la paix sur ses frontières ; elle voulait presque
lui en contester le droit, elle qui cependant
n’a demandé à personne la permission d’aller assurer
sa puissance dans l’Inde et de repousser
les peuplades qui cherchaient à en compromettre
la sûreté.
Les Français criaient aussi bien fort, eux qui
faisaient pis dans l’Algérie ; nous leur demande-^
rons s’ils avaient plus de droits que la Russie à
pacifier leurs conquêtes par les moyens qu’ils
employaient, que la Russie n’en avait à pacifier
le Caucase avec lequel elle est en guerre depuis
des siècles.
Quoi qu’il en soit, attendons avec patience le
résultat de cette lutte acharnée et qui devient
toujours plus formidable et plus intéressante en
ce qu’elle met ce peuple tcherkesse inconnu
jusqu’à présent sous un tout nouveau jour. La
Russie, cherchant à soumettre les Tcherkesses,
ne réveillera-t-elle point leur industrie, leur intelligence,
leur énergie? Ne les forcera-t-elle
point par la force des circonstances à unir leurs
intérêts, à se choisir un chef, à se consolider en
nation ? Ce ne serait pas pour la première fois
qu’on aurait vu un peuple ignoré et divisé d’intérêts
, se réveiller tout à coup à l’aspect d’un
danger toujours croissant et sortir de son apathie
et de son obscurité, en présence d’un formidable
ennemi, pour prendre place et jouer
son rôle parmi les nations. La Géorgie contre
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