La Circassie, comme du temps d’Intériano,
n a ni villes, ni bourgs, ni villages proprement
dits. Le pays parait très boisé au premier abord.
Chaque Tcherkesse voulant vivre isolé et dans
son domaine, se choisit, loin de son voisin, une
demeure qu il a soin de placer au milieu de
quelques beaux arbres si fréquents dans ce pays,
et a la portée d un bois ou sa famille puisse se
réfugier en cas d’attaque.
La maison est en bois ou en clayonnage, récrépi
de terre glaise j le toit est fait de planches
recouvertes de paille, assujéties avec des perches :
ces habitations ressemblent toutes du plus ou
du moins a celles que j ’ai décrites plus haut. Les
seuls ornements des parois des chambres des
princes sont des armes de tous genres, des cottes-
de-mailles, des arcs, des flèches, etc., suspendus,
comme dans la chambre d’Ulysse, à des clous,
La puissance du prince se dénote aussi par le
nombre de ses maisons ; carie prince, sa famille,
ses écuyers et vassaux, ses hôtes en ont chacun
une séparée où ils donnent ou reçoivent l’hospitalité.
La faible haie morte qui entoure cette
économie est la seule défense contre toute attaque.
Le Tcherkesse défriche le terrain qui entoure
sa demeure pour y semer du millet ou du froment,
ayant bien soin de conserver une guirlande
d’arbres autour de son champ pour le défendre
et pour lui procurer l’humidité nécessaire sous
ces climats. Il laisse même çà et là au milieu de ses
champs les plus beaux arbres isolés. Aussi, vues
de la mer, rien de plus pittoresque que ces
pentes de vallées boisées, dans lesquelles s’encadrent
tous ces champs de diverses nuances de
verdure. On ne voit que rarement les maisons
cachées sous le feuillage.
Un certain nombre de ces habitations, disséminées
au long et au large, dépendantes du
même prince, ou réunies par les mêmes intérêts,
par quelques circonstances locales, prend un
nom, qui est le plus souvent celui de la rivière
qui coule dans le voisinage.
Une habitation s’appelle ouneh; je me suis informe
si les Natoukhadjes avaient un autre
terme pour exprimer un hameau, un village ; il
paraît que non, et qu’ils se servent aussi du mot
de ounah pour village. C’est le aoule du nord
du Caucase, expression qui vient des Tatares et
qui s’emploie aussi comme collectif pour désigner
plusieurs habitations réunies. C’est enfin le gau
des anciens Germains, le kau des Ossètes d’aujourd’hui.
Dans les plaines du Kouban, dans les
Kabardahs et chez une partie des Tcherkesses
des montagnes, on se sert aussi du terme de
koudjé, kwadjé (en tatare kaba!c), pour dési-
gnei quarante a cinquante habitations disposées
en cercle.
I. OO