Tcherkesse, fier de sa liberté I à se soumettre.
Notre convoi, qui consistait en 3oo chasseurs
et fusiliers et en deux pièces de canon, se mit
en marche à travers la plaine boisée qui borde la
baie. A un verst et demi de la forteresse, nous
traversâmes un assez vaste cimetière tcîierkesse
ombrage de superbes cratægus (aubépines)’
d un pied d’épaisseur, qui avaient l’air de poiriers.
La plupart des tombes consistaient en un cercueil
ou caisse de six à sept pieds de long sur
deux pieds de large : elles sont grossièrement
tiavaillées en grosses planches de chêne. Le mort
est étendu de son long sur la terre ; le tout est
recouvert d’une grande planche avec deux entailles
aux deux bouts pour y adapter les deux
petites planches qui représentent le turban et les
autres insignes funéraires des mahométans. Point
de clous : les planches tiennent ensemble appuyées
par un petit mur sec de pierres qui les
entoure. Le tombeau est ainsi au-dessus de
terre, et le mort n’est séparé de l’air extérieur
que par une simple planche, à travers les joints
de laquelle ou peut voir ses restes que se disputent
de grands serpens jaunes qui paraissent avoir
choisi ces tombes pour demeure.
Quelques-unes de ces tombes diffèrent de
celles que je viens de décrire en ce que, au lieu
d’être entièrement en bois, elles sont construites
en grandes dalles de pierres , dressées sur le
coin et appuyées aussi d’un petit mur. Elles
sont exhaussées légèrement, posées sur un petit
tertre qu’encaisse un second mur de vingt pieds
de long sur dix de large : ces coffres en pierres
sont recouverts de dalles plus grandes ; c’est une
imitation des pierres levées qu’on observe dans
leurs montagnes sur les bords de l’Atakoum ; je les
ai retrouvées aussi en Crimée, sur la côte méridionale
près de Gaspra, et elles ne diffèrent en
rien de celles qu’on voit dans le nord delà France.
Celles de l’Atakoum, aux environs du fort S. Nicolas,
ont sept pieds de haut et à peu près autant
par les côtés ; elles consistent en quatre dalles de
pierres dressées, et surmontées d’une cinquième
dalle qui déborde d’un côté : sur la face de devant,
il y a un trou rondpar lequel on peut passer
la tête; mais on ne peut entrer dedans. On les
appelle dans le pays les maisons que les géants ont
bâties pour les nains.
Au-delà de ces tombeaux, je retrouvai, parallèlement
à la baie, un rempart en terre, très
bas, presque effacé, qui se dirige vers une vaste
place dégarnie de bois, où les Tcherkesses
avaient anciennement des champs et des prairies.
Tout cet espace est couvert de débris de
briques et de poterie semés sur le sol. C’était
l’emplacement d’une ville si antique que jusqu’aux
traces des maisons ont disparu sous le labour ;