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brandies jusqu’à vingt pieds et plus de hauteur,
se couronne du feuillage brillant le plus touffu.
La plupart ont plus de trois pieds d’épaisseur ;
un bon nombre mesurent jusqu’à cinq ou six
pieds de diamètre, et il en est même de plus
grands ; de superbes charmes, des tilleuls vénérables
se mêlent à ces hêtres*
Sous la protection de ces voûtes imposantes
croît un second étage de forêts ; ce sont des
buis en arbre d’une grandeur et d’une grosseur
qui étonnent, du houx, du fragon ou houx fré-
lon, toujours verts.
Quelle jouissance que de traverser en toute
liberté une forêt pareille sans craindre les embûches
des Abkhases ou des Tcherkesses ! quel
plaisir que d’y errer par un demi-clair de lune
et d’entendre la Pchandra qu’on ne voit pas couler
en murmurant sous cette verdure, tandis que
des milliers de lampyres lumineux (lampyris
italica) volent et s’ébattent en étincelant, jusque
sur la cime des arbres.
En sortant de cette forêt qui a un verst de
large, je me trouvai transporté tout à coup,
comme par féerie, au milieu d’une superbe prairie
à perte de vue ; les toits de bois de Bambor
se présentent sur l’un des côtés; c’est une vue
bien mesquine au milieu de ce superbe paysage.
Une chaîne majestueuse de montagnes l’encadre;
des forêts les recouvrent presque jusqu’à
leurs cimes , qui sortent comme un squelette de
cette verdure. Dans toute sa longueur , cette
crête est déchirée, et ses flancs lacérés sont a
peine voilés du réseau d’une pale végétation. Ce
sont les cimes de l’Ochetene qui se présentent
ainsi par-dessus les bancs jurassiques.
Par trois immenses écluses, taillees dans le
jura comme celle de la Kotoche, l’on voit arriver
dans cette plaine trois rivieres, la Mitchi—
chetché, la plus considérable àl’O., la Baklanka,
la seconde en grandeur à l’E ., et la Khipsta entre
deux. Le ruisseau de Pchandra qui coule
entre la Khipsta et la Baklanka ne fait qu’aborder
le pied des montagnes.
Bambor, bâti au bord de ce dernier ruisseau,
est à 2 verst du rivage ; je ne trouvai pas la forteresse,
qui est bâtie en terre et en cláie, dans
un meilleur état que celle de Ghélindjik ; elle est
disposée sur un meilleur plan, et défendue par
cinq à six cents hommes et douze pièces de
canon.
Mais je fus bien étonné d’en trouver l’intérieur
très logeable.
Le généralVakoulski et le colonel aujourd’hui
général Potsofski, chef alors du régiment stationné
en Abkhasie, en voyant ces magnifiques
forêts, ont eu l’excellente idée d’encourager un
Français, Jean-Baptiste Démangé, à venir construire
au bord de la Khipsta une scierie aux frais