nous le verrons à Poti et à S. Nicolas. La position
de Redoute-Kalé n’est pas de beaucoup plus propice
que celle de ces deux endroits; mais on a
déjà eu le temps de la dégager en abattant les
bois , en creusant quelques canaux : on a surtout
donné accès aux brises de mer qui sont un
baume restaurant pour des poitrines étouffées.
Le 21, le 22 et le 23 juillet (2, 3 et 4 août),
nous eûmes entre 24° et 25° de chaleur. Pendant
la nuit le thermomètre était à 20°; mais le
24 et le 25 juillet à peine les brises de mer commencèrent
elles à souffler, que le thermomètre
tomba. A midi nous n’avions que 21% et le matin
du 25, i6°de Réaumuf.
Les mois terribles dans ces parages sont juillet,
août et les deux tiers de septembre.
Pour résister à cette chaleur étouffante, à cette
humidité empoisonnée, à ces rosées d’une extrême
abondance, l’habitant de Redoute-Kalé
n’a que de misérables baraques en bois; les logements
sont en plein-pied sur terre. On n’y est
préservé de rien. Quoique toutes les maisons
soient construites en hêtre, ou en chêne, aucune
ne résiste au-delà de quelques années; car l’humidité
d’un côté, et des légions de vers ou de
larves qui s’attaquent au bois de l’autre, les font
bientôt tomber par pièces.
L’on ne peut rien se figurer de plus étrange
pour l’oreille d’un nouveau débarqué peu habituè
à pareil bruit, que les chocs et les heurts
cent fois redoublés, semblables à de petits coups
de marteaux, que frappent sans relâche, pendant
le silence de la nuit, ces petits mineurs
empressés. En fort peu de temps la poutre la
plus saine n’est qu’une masse de poussière : ils
ne respectent que le châtaignier.
Il y aurait eu plus de profit pour les habitants
et surtout pour le gouvernement de faire construire
leurs édifices en pierres, sinon en briques;
mais les employés du gouvernement
prétendent qu’on ne peut faire que de fort mauvaises
briques à Redoute-Kalé, et que les pierres
sont trop éloignées. En attendant ils ont tout le
profit qu’ils peuvent espérer dans leur état : ils
bâtissent et rebâtissent sans cesse, et le gouvernement
paie.
Je débarquai à Redoute-Kalé, chez le commandant
du fort, le major Tunaïef. Sa femme l’avait
suivi dans cette espèce de lieu d’exil. Certainement
je ne pourrai faire l’éloge du caractère du
major ni de celui de sa femme. Il est rare qu’un
brave homme soit assez bon citoyen pour faire
le sacrifice de venir exposer sa vie dans l’un des
endroits les plus mal-sains, les plus reculés de
l’empire russe. Il ne vient à Redoute-Kalé que
des commandants qui espèrent que, si éloignés
de toute surveillance, ils pourront faire tout ce