notre projet, et nous aurions été immanquablement
attaqués clans les bois remplis de petites
cachettes de pierres et massacrés : si, lorsque nous
montions, elle eût pu voir dans quelques places
découvertes briller nos fusils, malgré le soin
que nous mettions à les cacher, il y avait assez
de temps pour que la population d’Aderbey pût
venir nous recevoir au sommet de la colline, et
nous fusiller misérablement quand nous nous y
serions le moins attendus , les bois nous masquant
ce qui se passait autour de nous. Un ma-
1 audeur pouvait de même nous rencontrer, en
porter la nouvelle, et nous étions aussi perdus.
M. le major Tausch qui avait passé sept ans
de sa vie dans cette partie de la Circassie sous
les ordres de M. de Scassi, et qui connaissait
parfaitement les localités, ne pouvait comprendre
comment nous avions eu la hardiesse
de nous exposer d1une manière aussi évidente ,
car au premier signal Faoule d’Aderbey peut
dans une heure de temps, mettre 5oo hommes
armés sur pied.
Excursion à Atsesboho.
Le 1 1 juin, à quatre heures du matin, nous
nous mimes en route pour une seconde excursion.
On ne peut pas faire aux alentours de la
forteresse assez de foin pour nourrir toutle bétail
qu’on est obligé de garder pour les approvision-
nemens de l’hiver, où aucun vaisseau de transport
n’ose se hasarder en mer pour en amener.
On prit le parti d’aller fourrager les blés de
l’aoule d’Atsesboho, qui est à cinq ou six verst
de la forteresse, dans la direction de Soudjouk-
Kalé : c’était aussi une occasion de harceler les
Tcherkesses. Cette mesure était très impoli-
tique de la part du commandant et contre l’esprit
des ordres donnés par le gouvernement;
car ces ordres disent bien qu’il faut, autant que
possible, détruire tout le commerce des Turcs
avec les Tcherkesses, et ôter à ceux-ci tout
moyen d’avoir des munitions, du sel et d’autres
objets de première nécessité, et les forcer par-là
à ouvrir des relations amicales avec les Russes ;
mais ils ne disent pas qu’il faut aller, sans de fortes
raisons, faucher leur b lé , détruire leurs chaumières,
ravager leurs héritages, etc., petites
injustices, petites cruautés d’autant plus sensibles
qu’elles pèsent sur des individus , et que
sans grand profit pour les Russes , elles ne font
qu’augmenter l’aversion et la haine invétérée
que les Tcherkesses leur portent. Ce n’est pas
par des détails de petites vengeances , mais par
un appareil formidable de puissance, par la fascination
d’une immense supériorité de force,
de générosité, de civilisation , que la Russie,
et surtout son monarque , veut engager le