perbe tableau, et que je remerciais l’auteur de
toutes choses de ce moment délicieux, le soleil,
dans toute son éclatante majesté, se leva comme
au jour où il sortit — de la main de Dieu, lanç3ant
sa lumière dorée par-dessus les cimes les plus
méridionales. . . . Et comme par enchantement
ce paysage gigantesque semblait se ranimer ; petit
à petit les chaînes multiples se dessinèrent
légèrement; des ombres marquèrent Ce tableau;
les plans se détachèrent comme s’ils entraient
dans la vie, comme si le créateur travaillait à
tirer un monde des flancs informes de la matière
première. Des cimes^ des pointes à l’infini
étincelèrent soudain, en présentant leurs flancs
recouverts de vastes champs de neige, formant
mille dessins différents sur des roches noires
affreusement entassées. Il m’a semblé assister au
grand jour de la création. La parole est insuffisante
pour exprimer toute ce qu’il y a de magique
dans ce moment-là.
Les paysages d’Abkhasie sont uniques dans
leur genre ; voir la mer, des plaines, de hautes
montagnes et des cimes neigeuses par-dessus,
les porphyres et les granités couronnant les calcaires
du Jura, la grenade et la figue avec la
sorbe et le bouleau, quelle fraternité d’objets!
Je fus toute la matinée occupé à faire un chétif
dessin de cette belle oeuvre de Dieu ; il y a
tout au plus de quoi en prendre une grossière
idée (1). Il est nécessaire que j ’en donne une ex plication
pour le rendre plus compréhensible;
quelques détails sur cette partie de l’Abkhasie
compléteront ce tableau.
Explication du panorama.
Dans l’extrême lointain de gauche le pied des
montagnes se perd sous l’horizon. En avant se
dessine légèrement le groupe des collines d’Ana-
kopi et de Psirste. Les gorges de la Kotoche et
des rivières de Bambor se voient à peine. Mais
celle de la Baklanka surmontée du chapeau de
Saphyr-Bey se reconnaît déjà facilement. Le cap
Soukoum, l’embouchure de la Goumista, le vieux
Soukoum, sont tous sur la même ligne.
Plus à droite paraissent sur la ligne de faîte
les cimes A de l’Ochetène qui termine l’angle
N. O. du Caucase, et dont les flancs sont seulement
recouverts de quelques rubans de neige ;
ce groupe est le moins élevé de cette partie de
la chaîne du Caucase ; il atteint à peu près
1 1 ,ooo pieds. C’est de Bambor que l’on distingue
le mieux ses hautes vallées.
Au-devant de l’Ochetène et sur le second plan
s’ouvrent à l’oeil, de gauche à droite, les vallées
de la Psirste, de la Goumista et de la Baslata;
( i ) Voy. ce panorama, 2e série, pl. y.