bien assez à faire à monter la garde, à conduire
leur bétail au pâturage, à faire des foins pour
1 hiver, a couper la provision de bois nécessaire,
a cultiver leurs légumiers, à réparer ces baraques
délabrées qui leur servent de logement, à
garder la Quarantaine, surtout quand un tiers ou
un quart est à l’hôpital.
Quand les Russes prirent possession de Soukoum,
une partie de la ville subsistait encore,
mais le général qui commandait alors ordonna
de détruire et de raser tout ce qui restait, sous
pretexte que ces maisons facilitaient l’enlèvement
des soldats russes par les Abkhases. Napoléon
au Caire sut s’y prendre autrement et ne
fit pas brûler le Caire, parce qu’on lui enlevait
ses soldats. Détruire Soukoum, c’était empoisonner
la garnison de cette pauvre forteresse.
Rien dans ces brûlants climats n’empeste et ne
corrompt l’air comme des masures, comme des
espaces habités, ravagés et abandonnés tout à
coup; on pourrait dire que ces ruines, que ces
masures pourrissent; le soleil et l’humidité travaillent
de concert sur les matières animales
exposées a leur action, et mille miasmes différents
engendrent la mort chez ceux qui les respirent.
Cette remarque a été faite par un homme
d’esprit, M. Chopin, sur Erivan et sur plusieurs
autres endroits, et l’on doit être bien convaincu
que pour conserver la salubrité à une ville, il
faut lui conserver sa population, et craindre
toute ruine, toute masure.
Pourquoi Gandja est-il l’endroit le plus malsain
de toutes les villes de la Géorgie ? Ce qui y
contribue beaucoup, c’est que Gandja est en partie
abandonné; quels immenses espaces vides
qui pourrissent !
Pourquoi Tiflis qui fut long-temps réputé si
mal-sain ne l’est-il plus? Les troupes russes s’en
emparèrent après sa destruction par Agha—
Mohammed-Khan, le 11 septembre 1795. Pendant
maintes années, ils ne demeurèrent qu’au
milieu de ses ruines; aujourd’hui Tiflis ne porte
plus aucune trace de cette terrible époque ; la
ville est mieux bâtie qu’auparavant, mieux aérée,
et Tiflis n’est plus mal-sain.
Aujourd’hui Soukoum a un misérable petit
bazar où l’on peut acheter du vin, de la viande
et quelques bagatelles.
A Bambor et ici commence déjà la région du
vin, la région de l’abondance de ce suc précieux.
Encore en Crimée, la vigne demande tant de
soins... Ici elle est dans sa vraie patrie et prospère
sans culture comme dans un paradis. Celui qui
en veut autour de son habitation, a soin de tenir
quelques arbres isolés sur lesquels elle grimpe, et
forme mille guirlandes de verdure, jusqu’à ce
que ses grappes rougies donnent à l’arbre l’air