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défenses possibles; la contagion cessa presqu’à
l’instant dans le régiment.
On remarqua bientôt combien cette opération
dénaturait l’homme ; il n’est plus en état ni de
boire du vin, ni de manger de la viande; tout ce
qui l’excite lui est à charge ; il est sans barbe,
sans ambition, sans voix; sa voix est mince
comme celle d’une femme; il est faible; il tremble,
quand il doit porter le fusil; ses chairs sont
flasques et pendantes. Où ne mène pas la vanité,
l’orgueil religieux.
De Maranne à Goubitskali, le chemin est uni et
traverse une partie fertile du district de Vaké ;
ce nom signifie en géorgien vallée large.
De Goubitskali qui est la dernière station
avant d’arriver à Koutaïs, la plaine est recouverte
de galets qui constituent le' fond du sol,
dont la maigreur influe considérablement sur la
végétation qui n’est pas si belle ici que dans le
reste de la Mingrélie et de l’Iméreth. Les forêts
sur la route sont peuplées de châtaigniers, de
grenadiers éclatants, de hêtres, de charmes,
de plaqueminiers et de buissons ardents, que je
rencontrai ici pour la première fois depuis mon
départ de Crimée ; cet arbuste aime un sol sec et
pierreux.
Tous ces amas de galets s’étendent principalement
au devant des débouchés des rivières;
comme la part la plus pesante, ils se sont déposés
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les premiers dès qu’ils n’étaient plus chassés par
le torrent, tandis que les parties plus légères
et plus fines ont été entraînées plus au loin.
Apiès une journée très chaude, prêt a entrer
à Koutaïs, l’orage commençait à gronder. Mon
Cosaque allait devant moi et se hâtait espérant
éviter la pluie. Là où le Phase s’échappe en mugissant
des demieres roches jurassiques qui encaissent
son fit avant de lui donner entrée dans
la magnifique plaine de l’antique Colchide,
vous voyez le nouveau Koutaïs s etendre dans
l’angle de la plaine qui commence sur la rive
gauche du fleuve. Il serait impossible d’énumé-
rer tous les ponts en bois ou en pierre qui depuis
la plus haute antiquité menaient de la rive
droite à la gauche; on trouve sur les deux rives
dés piles et des culées qui appartiennent à tous les
âges. Lë passage qu’on a adopté actuellement est
un des plus difficiles de ceux qu’on pouvait choisir.
La route aborde d’abord le pied d’une paroi
de rochers à pic, dont le Phase baigne la
base ; âü heu de tailler une route de niveau dans
le roc, on Va fait monter rudement pour redescendre
plus rudement encore avant d’arriver au
pont en bois établi sur d’anciennes culées, tandis
qu’en établissant un pont en face de l’ancien
palais des tzars de Géorgie dans l’endroit où le
Phase est presque déjà dans la plaine, on aurait
abordé la ville de la manière la plus commode.