Malgré son abandon, Pitzounda demeura tou*
jours un objet d’une extrême vénération pour
les populations de l’Abkhasie ; les Abkhases venaient
toujours déposer sur l’autel grossier, en
offrande, quelque part de leurs brigandages ou
des ex vato. L ’aulel et les gradms du choeur
étaient couverts de vieilles armes, de canons de
fusil, de sabres, de trompettes, de boucles, de
clous, de serrures, de toutes sortes de vieilleries
qui s y étaient accumulées, et que les Russes
qui n ont pas voulu y toucher, ont entassées
sous la voûte qui supporte les gradins. Jamais
peuple ne porta plus de respect aux objets de
l’église que les Abkhases et les Géorgiens. Par le
laps de temps, il s était meme accumulé sur
l’autel pour une valeur .assez considérable de
monnaies de toutes espèces dont quelques-unes
étaient très antiques. Pendant un siècle elles
avaient ete respectees; un personnage marquant
qui visitait 1 Abkhasie, voyant ces monnaies dont
il était grand amateur, fit choix d’une cinquantaine
des plus anciennes et des plus remarquables,
la plupart en or, les fît peser et en rendit en
ducats la valeur intrinsèque au Pope. Il fit pourtant
mieux que Denys, tyran de Syracuse.
Cette visite coûta a l’eglise plusieurs autres
antiquités.
Telle est cette antique Pitzounda dont j ’ai
voulu faire remonter la fondation jusqu’à Justinien
; j ’ai exposé ce que nous savons de l’histoire
de cette métropole et rien ne prouve clairement
la vérité de cette assertion. Ce que l’étude
des monuments d’architecture du Caucase m’a
appris, c’est que toutes les constructions de ce
genre moitié briques, moitié pierres (î), sont
d’origine byzantine et antérieures au 1 1e siècle.
Dans Chardin (2) qui cite une relation d’un
moine tbéatin Dom Joseph Marie Zampi, il est dit
que l’église de Picciota avait été d’abord dédiée
à Sainte-Marie,-mais que les Abças qui portaient
la plus grande dévotion à St. André, avaient appelé
l’église de son nom. Ils prétendaient même
qu’elle était bâtie à l’endroit où St. André avait
commencé à prêcher le christianisme ; d’autres
vont jusqu’à croire que c’est lui-même qui l’a
bâtie. Reineggs dit aussi que l’église de Besonta
était dédiée à St. André (3) et qu’elle fut bâtie
par Juslinien.
L’empereur Nicolas, qui désire ramener cette
pauvre Abkhasie au christianisme et à la civilisation,
a ordonné de faire restaurer, s’il était possible,
Pitzounda. Quand j ’arrivai à Tiflis, pas un
(1) Je compte parmi ces constructions byzantines, Ta-
maratsikhé, Nakolakévi, les fondements de la forteresse
de Gori, etc.
(2) Chardin, I , p. #®f. éd. in-8°.
(3) Reineggs, II, 8 et 3.