Le principal ornement consiste en cheminées
taillées avec assez d’élégance par les Turcs dans
du diorite bleuâtre.
Le prince nous reçut avec un air d’affabilité.
Les Turcs, pendant leurs guerres sanglantes
contre la Perse et la Géorgie, sous Sélim II et
Amurath III, s étaient déclarés seigneurs suzerains
de 1 Imereth, du Gouriel, de la Mingrélie
et de lAbkhasie, en reconnaissant les anciens
princes du pays comme leurs vassaux 7 ils s’étaient
reserve seulement les points les plus importants
du pays pour y tenir garnison et y surveiller
leurs droits. Ils fondèrent à cet effet, en 1578,
Poti, à l’entrée du Phase, et Soukoum. Kalé au
fond de la baie de ce nom (1). Ces deux forteresses,
bâties sur le même plan, furent la résidence
du pacha qu’envoyait la Perse.
En 1771, les Abkhases, oppressés par les
Turcs, se révoltèrent et s’emparèrent de Soukoum
Kalé. Deux frères de la famille des Chir-
vachidze, Levan et Suraba-Bey, s’étaient mis
à la tête de la révolte. Après avoir chassé les
Turcs, ils auraient pu, en restant unis, fonder
leur indépendance ; mais affaiblis par leur division,
Lévan se vit forcé de vendre pour vingt
bourses (24,000 fr.) la forteresse de Soukoum
(1) J’ai dit plus haut que Soudjouk-Kalé date aussi de
la même époque.
aux Turcs, qui ne la firent garder par des janissaires
que pendant trois ans, l’abandonnant ensuite
comme une place inutile, tin certain Ké-
liche-Bey, qu’on a prétendu être aussi de la famille
des Chirvachidzé, s’en empara alors, faisant
semblant d’être soumis à la Turquie (1).
Mais Kéliche-Bey ayant reçu à Soukoum
Téher, pacha de Trébisonde, proscrit par la
Porte, celle-ci lui en demanda l’extradition. Kéliche
Bey, qui s’était déclaré le konac de Téher,
refusa d’acquiescer à cette demande, tant sont
forts les liens de l’hospitalité. La Porte ne pouvant
agir ouvertement, ourdit, selon son usage,
une conspiration contre Kéliche qui s’était fait
chrétien et déclaré vassal de la Russie, pour pouvoir
d’autant mieux résister au sultan. — Mais
bientôt après sa conversion il fut assassiné par
son propre fils Aslan, que la Porte avait su gagner
et qui s’était mis à la tête de la conspiration
(2). Aslan ne goûta pas les fruits de son
(1) C’est ainsi que ces faits sont racontés par Reiheggs,
II, 8, que je crois volontiers ; il a connu les personnages
et a été maintes fois employé dans les relations qu’avait la
Russie avec ces princes du Caucase.
(2) Voyez à ce sujet une nouvelle fort intéressante, intitulée
Kéliche-Bey, et écrite par un des premiers littérateurs
de la Russie, Â. N. Bestuchef, que le monde savant
vient de perdre ; elle a été publiée dans la feuille littéraire
de L’ Invalide Russe, du 20 février 1837, n° 8.