Le duc de Richelieu, gouverneur général de
la Russie méridionale, fatigué de cet état de
choses, voulut tenter un nouveau moyen d’attacher
ces Tcherkesses à la Russie et de les soumettre,
celui de les civiliser. Le duc, enthousiasmé
de ce projet, l’avait présenté en i8 i3 à
l’empereur Alexandre. —- Le duc de Richelieu,
comme le dit fort bien M. Gamba (1), avait re-
connuparmi les monta gnards tcherkesses, malgré
un amour déréglédupillage, des sentiments assez
élevés, et il avait jugé que leurs incursions continuelles
tenaient moins à leur esprit guerrier et
à la facilité qu’ils avaient de se retirer dans des
montagnes inaccessibles, et dont eux seuls connaissaient
les passages, qu’a la misère excessive
qu’ils éprouvaient depuis qu’on les avait resserrés
dans leur territoire, et que, par défaut de commerce
intérieur, ils ne trouvaient plus le débouche
du produit de leur chasse et de leurs forêts.
Le mode de civilisation que proposait M. de
Scassi, Génois, premier auteur du projet, était
de faire sentir à ces tribus pillardes la nécessité
de l’industrie et du commerce, au lieu de la traite
des esclaves ; de leur donner des besoins auxquels
on ne peut satisfaire que par le travail et
la paix; de leur inculquer une haute idée de la
supériorité de la Russie, etc.
( 0 Gamba, Voyage, 2P éd., I , p. 61 et 62.
Ce projet n’avait rien que de noble, de généreux.
Etait-il exécutable? Peut-être.
Mais a-t-on tenu parole au gouvernement?
A-t-on exécuté ses ordres? A-t-on rempli ses
vues ? Bien 'loin de là : que de fausses mesures !
quelle perte de temps ! Qu’on lise attentivement
la relation de M. Taitbout de Marigny, qui fut
envoyé par M. de Scassi à Ghélindjik en 1818,
et je n aurai pas besoin d’expliquer les causes de
tout ce désordre.
Les premières relations amicales et commerciales
furent ouvertes avecMehmet-JendarOglou,
prince natoukhadje de Pchade, par le moyen d’une
princesse de ses parentes, très belle (1), qui avait
épousé le général de Buchholtz, protecteur de
M. de Scassi.
Sous la protection du prince, on commença
deux établissements; l’un à Pchade même, l’autre
à Ghélindjik. Une petite flotille de quinze voiles
fut mise sous les ordres de M. de Scassi;
M. Taitbout de Marigny commandait l’un de ces
bâtiments.
M. de Scassi nomma commissaires de ces deux
établissements M. Tausch, aussi distingué par sa
capacité que par sa prudence, et un Grec nommé
Moudrof.
CQ Elle vivait encore pendant mon séjour en Crimée, et
je 1 ai vue souvent.