Mais en s’avançant vers la pleine mer, la vue
devient aussi grandiose et aussi magnifique que
celles que j ’ai décrites plus haut. L ’oeil se porte
principalement sim la gorge par laquelle débouche
la Kélassour, sur celle de la Kodor et sur les
cimes neigeuses et brillantes du Maroukh qui
couronnent la haute chaîne.
A en juger par l’immense quantité de blocs et
de cailloux roulés de granit et de micaschiste
que la Kodor et la Kélassour ont entraînés du
sein des montagnes et déposés sur leurs rives,
cette partie du Caucase serait granitique. Quelques
unes de ces cimes ont effectivement l’air
d’être cristallisées en grand (1).
Les points les plus intéressants à visiter dans
le pourtour de la baie, sont les ruines de l’église
de Okhvamé, à trois verst à l’est de Soukoum, et
Kélassour à trois verst plus loin. Leurs murailles
grises se voient à travers le feuillage.
Les environs de Soukoum, par la trahison
d’Hassan-bey, étaient si peu sûrs, qu’on n’osait
se hasarder, après le coucher du soleil, à aller
du bazar à la Quarantaine, qui est à un verst
et demi au bord de la mer. On craignait même de
le faire seul en plein jour, pour ne pas courir le
risque d’être enlevé par les Abkhases. Si cela se
passait sous les yeux des sentinelles et de la garnison,
que devait-ce être en se hasardant plus
loin dans l’intérieur du pays ; l’on connaissait
si bien la mauvaise foi et les ruses d’Hassan-
Bey- J
Pour visiter l’église ruinée d’Okhvamé, mon
bon capitaine Voulf fit armer jusqusqu’aux dents
une dixaine de ses matelots, et montés sur notre
chaloupe qui portait un petit canon en proue,
nous cinglâmes tout droit, dans cet appareil militaire,
vers Okhvamé.
L ’église se trouve à cent cinquante pas du rivage,
au milieu d’une enceinte presque circulaire
qui peut avoir deux cents pas de diamètre.
Elle est assez bien conservée, mais petite et ne
mesure que onze pas de long sur cinq et demi
de large. Le choeur, suivant le principe irrévocablement
adopté par les Grecs, est tourné
vers l’Orient. Ce sont exactement les mêmes
proportions que celles des anciennes églises
grecques semées sur les côtes de la Crimée, ou
creusées dans les rochers d’Inkerman. Le service
grec se faisait sans sermon; ainsi, pourvu que le
prêtre eût la place nécessaire pour officier et pour
arranger son lieu très saint, c’était tout ce qu’il
fallait pour le service divin ; le reste de la place
était pour les chantres, pour le lecteur, et celui
qui ne trouvait pas déplacé dans l’église, demeurait
dehors, soit dans le petit vestibule, soit à
l’ombre de l’un des côtés de l’église, priant et