d’une immense grappe de raisins. On trouve de
ces ceps d’une grosseur monstrueuse, et quoique
1 orme, le hêtre ou le noyer centenaire montent
à une hauteur prodigieuse, on voit la vigne
dépasser leurs cimes et les couronner de grappes.
La fabrication du vin commence déjà chez les
Ouboukhs ; celui que fait le commun des Ab-
khases, qui ne sont pas trop scrupuleux musulmans,
n’est pas fameux, parce qu’ils le traitent
mal et qu’ils y mettent de l’eau. Mais on en
trouve de fort et de spiritueux chez les gens riches
; les officiers russes de Soukoum et de Bam-
bor en font aussi qui est très bon, il est rouge et
agréable à boire.
Les Abkhases conservent leur vin dans des
jarres ou de grandes cruches enfoncées dans la
terre ; mais elles n’ont pas la capacité de celles
qu’on fait en Mingrélie... La capacité des cruches
augmente a mesure qu’on avance vers l’est,
et c’est en Kakhèthi qu’on trouve les plus vastes :
elles sont vraiment gigantesques, quelques-unes
mesurant jusqu’à neuf pieds de hauteur.
Sous cet ardent climat, le vin se conserve très
bien dans ces cruches, surtout quand elles sont
enfoncées assez profondément dans la terre, et
recouvertes de trois à quatre pieds de bonne
terre glaise qui en ferme l’ouverture hermétiquement.
Le vin s’y gâte très rarement; il no
s aigrit que quand les cruches restent long—temps
entamées, l’usage étant d’aller puiser tous les
jours la provision de la famille.
Le vin dans des tonneaux se gâte plus facilement;
d’ailleurs il faut avoir de bomies caves
murées et voûtées, grand inconvénient pour un
pauvre Abkhase ou Géorgien, qui n’en a pas besoin
pour ses cruches qu’il enterre au pied d’un
arbre auprès de sa maison.
Cette manière de conserver le vin remonte à
la plus haute antiquité ; les peuples géorgiens
l’ont-ils empruntée des Grecs, ou les Grecs des
Géorgiens ? C’est une question difficile à décider
; la Colchide cependant était déjà civilisée
quand les Argonautes y débarquèrent.
Dans les ruines de la Crimée, il n’est pas rare
de retrouver de ces cruches ; on en a déterré
un certain nombre à Alouchela en creusant la
nouvelle chaussée dans un terrain sur lequel
s’étendait l’ancienne ville. Que de têts de vases
de ce genre qui recouvrent la Chersonnèse héra-
cléolique !
La vue que l’on a du fond de la baie de Soukoum
sur la haute chaîne, n’est pas à comparer
à celle de Bambor; le passage est masqué par la
chaîne basse qui vient d’Anakopi, et qui longeant
le fond de la baie en couvre le pourtour oriental
de petites éminences boisées, derrière lesquelles
s’ouvrent les plaines de la Rélassour et
de la Kodor.