calculer la population de cette partie de la Cir-
cassie.
Peyssonnel dit que les tribus abazes et tcher-
kesses proprement dits., de son temps pouvaient
mettre 100,00.0 hommes et plus sur pied,
ce qui ferait une population de 700,000 ames
environ.
Les peuplades du Caucase, en général, sont
un exemple rare de la constance que mettent
certaines nations a conserver leurs anciennes
moeurs ; ce qui se faisait mille ans avant Jésus-
Christ, ce qui se faisait du temps de Strabon se
fait encore aujourd’hui. Plus on pénètre dans
l’intérieur des vallées , moins exposées à l’influence
des révolutions étrangères, plus on y
rencontre les usages antiques, les vieilles coutumes;
souvent on se croit aux temps homériques
en visitant les descendants des Colches
géorgiens aux sources du Phase et de l’Engour.
Mais aucune de ces races primitives n’est restée
plus fidèle à ses antiques moeurs que celle des
Tcherkesses.
On se représente ordinairement les Tcherkesses
comme un ramassis de brigands et
d’hommes sauvages sans foi ni loi ; on se trompe.
L ’état actuel de la Circassie nous donne une idée
de la civilisation dé la Germanie et de la France
sous ses premiers rois. C’est un modèle de l’aristocratie
féodale, chevaleresque , du moyenâge,
c’est l’aristocratie héroïque de la Grèce antique.
La constitution est purement féodale : l’esprit
des castes est aussi sévère que naguère en
France, en Allemagne. Les princes, les anciens
nobles, les affranchis, les serfs, les esclaves,
forment cinq classes bien tranchées (1).
Le titre de prince, pcheh, pchi en tcherkesse,
ne s’acquiert plus que par la naissance. Aussi
les princes sont-ils très sévères dans leurs alliances
pour se conserver une généalogie sans
tache. Ils ne se marient qu’entre eu x , et tiennent
à grand déshonneur une mésaillance. Leur
puissance dépend du nombre de vassaux, de
parents et d’alliés qu’ils peuvent mettre sous les
armes (2). Leurs filles, à défaut de fils, transmettent
quelquefois la principauté à ceux qu’elles
épousent, mais elle est inférieure à celle acquise
parles exploits militaires.
La seconde classe est celle des nobles, worlc,
dont quelques-uns deviennent très puissants
en s’alliant à des familles nombreuses. Ils
(1 )L e système féodal est aussi antique que l’histoire
dans les régions caucasiennes, et dans l’Arménie on le retrouve
à toutes les époques : il faisait aussi partie de la
constitution des nations Sarmates.Voyez Lebeau, Histoire
du Bas-Empire , éd. de St-Martin, I I , 248.
(2) On y reconnaît toujours les Skeptoukhes, ou porte-
sceptre d’Homère et de Strabon.