me croire transporté aux siècles du bon Homère.
Faisait-on autrement quand on voulait
honorer un étranger, un hôte? Voyez Ulysse
chez les Phéaciens, détachant la meilleure partie
du dos succulent d’un porc dont on lui avait fait
sa portion, pour l’offrir au chantre mélodieux
Démodoque (1).
On dansa pour divertir le général ; cependant
c’est une grande honte pour celui qui quitte le
premier la danse f j ’ai vu si souvent les efforts
extraordinaires que font les danseurs pour garder
le champ de bataille. Le général aVait prié
une dame qui était présente de danser aussi 5
déjà elle figurait depuis une heure dans un pas
de deux avec un jeune Abkhase, déployant
toutes ses grâces et cherchant à lasser son danseur,
qui, de son côté, ne voulait pas lâcher
prise. Affublée de Son grand drap blanc qui lui
servait de voile, et qui lui couvrait la figure, elle
étouffait, ses jambes fléchissaient sous elle; elle
était prete a tomber en defaillance. Le général
fut obligé d’intercéder auprès du jeune homme
fen sa favëur, et dèl’éngàger à se déclarer vaincu.
Le prince Ali-Bey est mort pendant l’automne
de i 833. Quoique Soumis à la Russie, il n’était
pas meilleur dans lè fait que son suzerain MiChel-
Bey. Ses domaines formaient l’extrémité de l’Abkhàsie,
et étaient habités principalement par la
tribu des Abjouazes. Sa frontière était la Galazga
qui le séparait du Samourzakhan, province qui
fait déjà partie des états du Dadian de Mingrélie.
Ali-Bey était le premier à tromper la vigilance
des Russes, soit pour vendre des esclaves aux
Turcs, soit pour faire la contrebande ou un
commerce défendu avec eux. On le savait bien ;
aüssi ne nous étonnâmes-nous pas, en cherchant
iios galères, de trouver deux petits vaisseaux
turcs, cachés et tirés sur le rivage, au bord dë
la Tamouïche. Nous eûmes toutes les peines du
monde à décider ceux qui les montaient à venir
ânous, en les appelant à coups de canon; nous
en prîmes un à la remorque ; c’était celui qui
nous paraissait le plus coupable. Son dernier
visa de la Quarantaine de Redoute—Kalé datait
de trois mois en arrière, et depuis ce temps-là
il faisait un commerce très sévèrement défendu
sur la côte ; peut-être même avait-il fait plusieurs
voyages à Trébizonde, violant ainsi lés
lois de la Quarantaine. A notre arrivée à Sou-
kouih, il fut déclaré bonne prise, et on confisqua
la cargaison et le vaisseau au profit de l’équipage
du Vestnik. Quant au capitaine Voulff, il
renonça à sa part comme il le fait toujours, et
j ’aurais eu bien mauvaise grâce d’exiger cellè
qüi m’était due.
Le vaisseau et les sept Turcs qu’on avait dé