parricide : il se sauva, et ce fut son frère aîné,
Saphyr-Bey, qui fut reconnu prince du pays sous
la suzeraineté de la Russie.
Saphyr-Bey régna jusqu’en 1821 : il avait le
grade de colonel au service de Russie, et s’était
aussi fait chrétien ; mais on dit qu’il penchait intérieurement
pour l’islamisme ; cependant il ne
se faisait aucun scrupule de boire du v in , et
s’enivrait fréquemment avec du rhum, présentie
plus agréable qu’on pût lui faire : il avait épousé
une soeur du prince Lévan-Dadian.
A sa mort, l’empereur Alexandre reconnut
pour prince son fils aîné, qui avait été page
de l’empereur. Mais il ne régna pas longtemps
; transporté dans l’anarehique Abkhasie
où il devait plier sous le despotisme de sa mère,
il ne vécut que deux ans, et mourut en 1823,
laissant le trône à son frère cadet Michel-Bey ^
élevé par un atalik chez les Tcherkesses.
L ’état déplorable de ce pays et les, prières
de Michel-Bey engagèrent la Russie à y envoyer
en i 83q un corps de troupes pour le
défendre ; on les répartit dans les quatre forts
de Soükoum, de Bambor, de Pitzounda et de
Gagra.
Nous trouvâmes le prince Michel-Bey dans la
plus grande perplexité et occupé à faire entourer
sa maison d’une palissade de dix pieds de
haut en grosses poutres : on posait un teherdak
(1) en bois sur le sommet de la vieille tour.
Kéliche-Bey, outre Saphyr-Bey, avait laissé
cinq autres fils, Aslan, le parricide, Hassan-
Bey, Batal-Bey, etc., etc., tous aussi indomptables
les uns que les autres.
Les gens de Michel-Bey avaient tué un des
vassaux de Hassan-Bey, qui réside à Kélassôur,
au-delà de Soukoum, près de l’ancienne Dios-
courias. Hassan-Bey étant parti avec douze des
siens pour en porter plainte à Routais, fut forcé
de rebrousser chemin, surpris par 200 Abkha-
siens que Michel-Bey avait apostés pour l’arrêter.
Ils furent, malgré leur nombre, mis en
fuite par Hassan-Bey, qui tua un de leurs chefs,
un noble personnage assez considérable auprès
de Michel. C’était mettre du sang entre l’oncle
et le neveu, suivant l’expression du pays. Depuis
lors la famille du défunt n’a cessé de remuer
ciel et terre pour obtenir vengeance.
Michel-Bey, en seigneur suzerain, voulait forcer
son oncle, qu’il n’aime guère, à s’y soumettre
; mais celui-ci, l’homme le plus fin, le
plus rusé, le plus intrigant, et par-dessus cela
la meilleure tête de l’Abkhasie, s’est moqué tout
( i) Corps de logis entoure de galeries élevées d’un
étage ou de deux au-dessus du sol, et dans lequel les Polonais
se réfugiaient pour se défendi'e contre les invasions
des Tatares.