ils avaient cependant sur le coeur qu’on l’eut tué
pour quelques ognons.
La vie de Ghélindjik n’avait donc rien de bien
agréable, ni pour un naturaliste ni pour personne.
La plus petite promenade ne s’y faisait
pas sans convoi; on était gêné de toutes manières
par mille mesures de précaution, et s’il n’y
avait pas eu ce joli bouquet d’arbres couvert de
vigne, que l’on appelait le bosquet de Cath-
rine, et sous lequel on pouvait alleriprendre le
frais a 100 pas de la porte du sud, je ne sais ce
qu’on y serait devenu.
Excursion sur le Merkhotkhi.
J’avais été chargé de faire un mémoire sur les
ressources minéralogiques et agricoles des environs
de Ghélindjik. Pour être à même d’y travailler,
je fis plusieurs excursions dont je vais
donner les détails ; je décrirai ce que j ’ai vu des
alentours de la forteresse et des Tcherkesses.
Afin d’embrasser d’un seul coup d’oeil le plus
d etendue de pays et d’en saisir d’autant mieux
l’ensemble, j ’avais prié M. le colonel Tchaï-
kofski, commandant de Ghélindjik, de me permettre
d’escalader la plus haute cime du Merkhotkhi,
Personne n’avait encore osé s’y hasarder,
à l’exception d’un ..officier- qui eut le courage
d’aller mettre le feu à une hutte qui servait de
guérite aux Tcherkesses postés la pour surveiller
les Russes comme du haut d’un observatoire.
Les Tcherkesses n’avaient pas rétabli cette hutte,
et la sentinelle plus prudente s’était placée sur la
pointe d’un mamelon; on la distinguait parfaitement
de la forteresse et rien ne pouvait
échapper à ses regards. Comment donc la tromper?
Voici comment nous nous y prîmes. Nous
sortîmes, M. le lieutenant d’artillerie Jakovlef
qui m’accompagnait et moi, de la forteresse avec
notre escorte de quarante—six hommes, commandés
par un officier, à l’aube du jour, pêle-
mêle avec le bétail et le convoi qui devait le garder
au pâturage. Nous traversâmes ainsi la plaine
qui s’étend du pied du Merkhotkhi jusqu’à la
baie, sans que le Tcherkesse en faction se doutât
le moins du monde de nos intentions.
Cette plaine est couverte d’un terreau noir,
très fertile. Toutes les espèces d’arbres forestiers
y sont d’une belle venue; le poirier ou sorbier
torminal y était le moins commun.
A chaque pas nous re trouvions les traces d’une
population considérable qui a dû habiter longtemps
sur le pourtour de cette baie. Nombre de
grands tombeaux, semblables à de longs coffres
en pierres comme les tombeaux mahométans,
excepté qu’ils avaient jusqu’à dix et quinze pieds
de long, étaient semés ü" coà et là dans toutes les
directions. La vigne d’une abondance extrême,
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