Le cap dé Pitzounda qui forme la baie à l’O.
est une plaine sablonneuse à peine élevée de
quinze à vingt pieds au-dessus du niveau de la
mer 5 elle est ombragée d’une superbe forêt de
pins dont les tiges égalent ici celles de nos plus
belles forêts. C’est le même que celui de Ghé-
lindjik et de quelques points de la côte du Dji-
khèti. On sait que le pin aime en général les sables,
et on ne s’étonnerait pas d’en trouver ici,
si ce n’est la chaleur brûlante du climat à laquelle
il est exposé.
Ainsi d’un seul coup d’oeil, on peut voir la famille
des pins commencer et clore la végétation
des arbres, de la région la plus basse à la plus
élevée, d’une région très chaude à la plus froide
que supporte la végétation des arbres.
Je demandais depuis long-temps où était la
fameuse église de Pitzounda 5 on ne pouvait la
voir cachée derrière la forêt de pin dans la verdure,
à trois verst de l’extrémité du cap Pitzounda
et à un verst du rivage. '
Un coup de canon nous annonça à la compagnie
russe établie autour de cette église; le
commandant nous envoya une escorte qui devint
nous accompagner du rivage au fort, et je m’avançai
avec un plaisir inexprimable sous ces
antiques pins qui balançaient leurs têtes si haut
au-dessus de nous.
Aux trois quarts du chemin, les pins nous quittèrent
et furent remplacés par les plus beaux
noyers, par de grands ormes et d’autres arbres
couverts de vigne à travers lesquels nous distinguions
à peine une muraille grotesquement construite
de toutes espèces de matériaux, briques,
blocs de pierre, pierres de taille, pans de muraille
même placés sens dessus dessous, etc.,
pêle-mêle.
Nous passons par la porte ruineuse de cette
muraille lézardée, bâtie en carré, et me voilà en
face de l’une des ruines les plus grandioses et
les plus pittoresques qué je connaisse. On m’avait
parlé de cet édifice avec admiration ; mais l’effet
a surpassé mon attente : ce style noble et hardi
étonne au milieu des sauvageries de l’Abkha-
sie (1) .
De trois côtés le dôme en briques s’appuie sur
trois hauts frontons. Au levant les trois choeurs
sont marqués par trois saillies semi-circulaires
comme on le voit à l’église S1“. Sophie de Kief et
dans les églises byzantines (2). On n’avait pas
(1) Voyez Atlas, 3e série, pl. 1 .
(a^Le.style byzantin a eu aussi plusieurs siècles de
vogue dans l’Occident : c’est ce style que nous avons
baptisé du nom de roman, et dont il reste tant de beaux
monuments sur les bord du Rhin. En Suisse, nous
en avons aussi de beaux modèles dans l’église de la reine
Berthe à Payerne, bâtie en 960, et dans celle de Neu-
châtel qui remonte peut-être aussi jusqu’à la reine Berthe.