<f Les Abasghiens, qui s’étendent jusqu’au Cau-
« case, étaient jadis compris sous la domina-
« nation des Lazes , sous deux princes de leur
« nation, dont l’un gouvernait la partie du
« couchant, l’autre celle du levant. Ces bar-
« bares adoraient encore, de nos jours , les fo-
« rets et les bocages, dans leur barbare simpli-
« cité, mettant les arbres au nombre des dieux.
« Ils étaient horriblement oppressés par l’avi-
« dité de leurs princes ; car dès que l’un de leurs
« rois voyait des enfants dans cette nation belle
« de visage et élégante de taille, sans retard et
« sans rémission, ils les faisaient arracher des
« bras de leurs parents, et les ayant fait eu-.
« nuques, ils les vendaient à un prix très élevé
« dans l’empire romain. Ils avaient soin défaire
« périr les pères, de peur que l’un d’eux ne fit
« parvenir ses plaintes à l’empereur qui punirait
« 1 injustice commise sur leurs fils, etpour n’avoir
« personne de suspect parmi leurs sujets. Ainsi
« la beauté fatale de leurs fils Conduisait les
« Abasghiens à leur ruine, et ces pauvres mal-.
« heureux périssaient misérablement. Mainte—
« nant, depuis que Justinien règne, le sort des
« Abasghiens s’est adouci et amélioré de toutes
« les façons ; car ils ont embrassé le christia-.
« nisme, et Justinien Auguste leur ayant en-
« voyé Euphrata, Abasghien d’origine, l’un des
« eunuques du palais, a fait défendre expressé-
« ment à leurs rois de faire par la suite, dans
« cette nation, des eunuques en violant ainsi les
« lois de la nature. Les Abasghiens acceptèrent
« ce message avec grande joie, et appuyés du
« décret impérial, ils mirent tous leurs soins à ce
« qu’il fût exécuté : car chacun craignait d’être
« père d’un bel enfant.
« Justinien Auguste fit aussi élever chez les
« Abasghiens un temple à la mère de Dieu, et y
« ayant placé des prêtres, il eut soin qu’ils leur
« enseignassent tous les rites du christianisme. »
Voilà le passage de Procope sur lequel on
se base pour prouver que l’église de Pitzounda
a été fondée par Justinien__ Procope, de Ædificiis
(1), n’en dit pas un mot : il rappelle bien
que Pitzounda et Sebastopolis ont été détruites
par les Romains dans leurs guerres contre Chos-
roës ; mais il ne parle que de la réédification de
Sébaslopofis qui redevient une grande ville, et il
passe Pitzounda sous silence.
Les seules raisons qui soient probantes ici
pour nous faire croire que nous ne nous trompons
pas, en supposant que le temple actuel de
Pitzounda est celui qui a été construit par Justinien,
c’est que la tradition chez les Géorgiens ,
et surtout au monastère de Ghélathi, l’a toujours
attribué à ce monarque, et que depuis l’o-
( j) Procopii Cæsarensis, de Ædificiïs, liv. III, cap. 7.