ce qui m’a été dit : « Les Francs ou Génois habitaient
toutes les vallées du pied nord du Caucase,
et vivaient en paix et en bonne amitié avec
les naturels du pays. Les demeures des Francs
remplissaient principalement la vallée de Kisla-
vodsk, et ils s’étendaient même au-delà du Kouban.
Cependant un chef des Francs devint
amoureux de la femme du chef des Kabardiens
et le pria de la lui céder. Le Kabardien ne voulait
pas entendre raison ; mais sa femme, qui
aimait peut-être le Franc, ou qui plutôt voulait
servir sa patrie, lui conseilla de la céder au Franc,
a condition que celui-ci exécuterait les conditions
qui lui seraient imposées trois jours après
le mariage. Les Francs se réunirent aux Kabardiens
dans l’église qui est derrière le Kouban,
vis-à-vis Kamara, et les chefs des Francs et des
Kabardiens prêtèrent les serments réciproques.
.. . Ce qui fut renouvelé auprès des idoles
des Kabardiens. Le troisième jour arrivé, le chef
des Kabardiens déclara que ses conditions étaient
que les Francs repasseraient le Kouban : ce
qu’ils furent forcés d’éxécuter. Une partie se
retira au pied de l’Elbrous ou elle oublia et sa
religion et son origine. Cependant le chef des
Kabardiens était très mal vu pour avoir cédé sa
femme au Franc, et il s’éleva même un chef qui
menaça de le chasser du pouvoir. . . Les Francs
n’étaient plus là pour le soutenir. »
— Si —
Klaproth, qui rapporte moins en détail cette
tradition, ajoute que les Kabardiens ont encore
un proverbe qui y fait allusion : « Nous avons
donné nos femmes pour ce pays (i). »
D’après les Tcherkesses kabardiens eux-mêmes,
telle est l’histoire de leurs migrations et la
manière dont ils se sont emparés des rives du
Kouban et des plaines de la Kabardah : ils en
chassèrent le tribus Ossètes qui furent forcées de
se retirer dans les hautes vallées.
Inal est regardé comme le chef de toutes ces
familles premières qui se partagèrent la suzeraineté
de ces nouvelles conquêtes : ces princes
cependant ne purent soumettre les Djikhes des
bords de la mer qui se trouvèrent libres de fait
après la défaite de Mamia Dadian.
George Interiano, Génois, qui écrivait en i 55i ,
nous fait de ces Djikhes un tableau que je ne
voudrais pas passer sous silence : c’est une peinture
fidèle et très intéressante de ce qu’ils étaient
de son temps, et j ’en fais d’autant plus volontiers
ici un extrait que la collection de Ramusio,
où elle se trouve en italien, n’est pas à la portée
de tous ceux qui voudraient la consulter (2).
«Les Zyghes, ainsi appelés en italien, en
( i ) Klaproth, Voy. au Caucase , 1 , 3/ij, éd. fr.
( a ) Ramusio, Delle.navigationi et viaggi, in Venetia,
«583, I I , p. «97 et 198.
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