se venge avec autant de fureur que la mort d’un
proche parent (1). L’étranger qui se met sous la
protection d’une femme, ou qui peut effleurer
son sein du bout des lèvres, est à l’instant garanti
comme un frère, fût-il un ennemi de la
famille et même le meurtrier d’un parent.
Cette singulière adoption, rapportée par Pal-
las, est encore consacrée chez les Natoukhadjes,
comme le raconte M. Taitbout de Marigny, et
comme M. Tausch me l’a confirmé.
Le respect pour les vieillards, ou enfin pour
toute personne plus âgée que nous, est tel que
quand elle entre, il est d’obligation de se lever,
cette personne fût-elle même d’une,classe inférieure
à la noire. Cela se pratique chez les hommes
comme chez les femmes , et l’on ne peut
s’asseoir que quand la personne pour laquelle on
s’est levé l’a ordonné par le mot t iz ê , assieds-
toi. Les Tcherkesses n’y manquent jamais, et
même en famille il sont fidèles observateurs dq
cet usage incommode.
Loi du sang.
On sait ce que,c’est que la loi du sang, notre
(1) Cette hospitalité des Tcherkesses est celle des temps
héroïques de la Grèce; lisez Diomèderencontrant Glaucus
pendant le combat devant Troie, et lui expliquant comment
les liens sacrés de l’hospitalité les unissent. Iliade,
chant V I , p. 107.
talion ; mais nulle part cette loi de représaille ne
s’accomplit avec plus de fureur, plus de sévérité
que chez les Tcherkesses et chez tous les peuples
du Caucase. Tout sang répandu doit être vengé;
le plus proche parent hérite en naissant de l’obligation
d’exterminer tôt ou lard l’auteur d’un
attentat commis contre son parent; l’hôte doit
venger l’hôte, soit à force ouverte, soit par
ruse, sous peine d’être chassé comme un lâche.
Ces haines qui se transmettent de génération
en génération, deviennent quelqufois la part de
toute une tribu, de toute une caste;.... et si
pendant cette lutte de vengeance, le coupable
venait à mourir, la, vengeance n’en serait pas
pour cela accomplie, elle’ retombe sur le plus
proche parent du mort, et ainsi de suite jusqu’à
ce qu’elle soit enfin assouvie, ou qu’on ait racheté
le sang par une somme fixée par des arbitres,
ou qu’on se soit arrangé par un mariage.
C’est à ces affreux principes qu’il faut attribuer
cet état de guerre continuel, de crainte, de
méfiance qui règne sans cesse entre les tribus
et les familles tcherkesses. Personne ne sort
qu’armé. Les princes et les nobles sont les plus
terribles dans ces cas de vengeance ; car ils n’acceptent
jamais le thlil ouassa, ou prix du sang (1);
il leur faut toujours du sang pour du sang.
(1) Cruel! il n’est pas rare qu’un homme accepte le
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