Ce principe anti-chrétien de vengeance, au
premier coup d’oeil, contraste étrangement avec
l’amour de l’hospitalité et le respect pour les
vieillards ; mais il n’en est qu’une suite immédiate
; c’est par ce respect outré pour un hôte ou
pour un parent, un ami, que le Tcherkesse se
croit obligé de venger ses offenses et de les laver
dans le sang.
Tels sont les grands principes du droit des
Tcherkesses; ils n’ont pas de code écrit; toute
affaire administrative est remise à la décision
d’une assemblée populaire ou diétine, tenue dans
un bois et où les plus âgés ont le plus d’influence;
les princes, les nobles, les serfs même, y ont
voix délibérative (1). Aucun tribunal stable,
aucune police, aucune autorité quelconque ne
règle ici le cours de la justice, et n’est chargé de
poursuivre un coupable et d’exécuter les lois.
Les affaires litigieuses, les dissensions entre familles,
entre tribus, les vols, les meurtres, etc.,
se jugent et se décident dans ces assemblées imprix
du sang, pardonne le meurtre de son frère ou même
de son fils ; le meurtrier, après avoir sacrifié une partie de
ses richesses, demeure avec lui dans la même ville;...
quant à to i, etc. Ainsi s’exprime Ajax en parlant à
Achille, Iliade, ch. IX , p. i 65, trad. Bitaubé. On voit
combien sont anciens ces principes de vengeance qui te-
naieu t lieu de loi dans le temps où régnait le droit du poing.
( i ) Ce sont les assemblées des héros grecs devant Troie.
promptues ; on élit un nombre de juges proportionné
à l’importance de l’affaire, on en choisit
quinze environ pour un meurtre; ces juges ne
siègent que pour l’affaire en question (1), On
voit que rien n’est plus répubücain que le Tcherkesse,
malgré les principes de féodalité qui séparent
le peuple en castes très distinctes. Le
prince lui-même est toujours obligé de consulter
son assemblée pour toute affaire qui ne regarde
pas l’intérieur de sa famille et de son économie.
La coutume veut que le vol découvert soit
puni par une restitution de plusieurs fois la valeur;
non découvert, comme à Lacédémone,
c est un objet de gloire, et le plus grand reproche
que, selon M. Taitbout de Marigny, une
jeune fille puisse faire à un garçon, c’est de lui
dire qu’il n’a.pas encore pu dérober une vache.
Mais la propriété est respectée par les personnes
que lient la parenté, l’hospitalité, l’amitié.
Le parricide est condamné à l’ignominie ; la
punition de 1 adultere dépend du mari qui peut
tirer une vengeance sanglante, mutiler sa femme,
lui fendre les oreilles, lui raser les cheveux, lui
couper les manches de son habit et la renvoyer
ainsi a ses parents, ou bien s’accomoder avec le
C1) Voyez les singuliers jugements portés par ces assemblées,
dans le Voyage en Circassie de Taitbout de Mai'igny,
éd. Klapr., I; 291 ; dit Voyage de Jean Potocki,