ces. C’est la comme à Athènes, le point central
de la vie et de la circulation. L ’artisan y expose
de même son industrie en s’occupant de son
métier sous les yeux du public : tout se voit, la
pâte qui se pétrit, le pain qui cuit, la soupe qui
bout chez le cantinier, comme le fer-à-cheval
qui se forge, le couteau qui se lime, la botte qui
se coud, la tête savonnée qu’on rase. La boutique
et l’atelier ne sont que des loges ouvertes
par devant, où rien n’est caché au public. Un
bazar pareil est quelque chose de délicieux pour
un flâneur européen ; ces groupes, cette activité
diversifiée, ces secrets de l’art qui se dévoilent
a ses yeux, tout alimente sa curiosité.
Un jour de bazar ou de marché est bien plus
curieux encore. Toute cette foule d’habitants
divers des vallées du Caucase, s’empresse et
remplit les rues du bazar.
LOssète, au bonnet circassien, apporte ses
petits fromages renommés dans le pays. L u i, le
Svanétien et l’habitant du haut Ratcha, étalent
de grands feutres gris ou bariolés de noir et de
blanc, longs de sept pieds, larges de trois à quatre
pieds, qui servent, repliés, à poser la selle
sur le cheval, et de lits aux voyageurs dans les
haltes. On les paie de cinq à sept abazes ou de
quatre a six francs. Ils apportent aussi des cour-
gines ou grandes sacoches doubles, tissées en
lame et en crin, qu’on met une deçj à,/ une delà,7
derrière la selle du cheval pour y porter ses
provisions de voyage. Il y en a qui sont ornées
de jolis dessins et de bordures de différentes
couleurs. Elles coûtent de cinq à sept francs.
Les tchoks, surtout gris ou feuille morte, de
gros drap, façon circassienne, sont aussi du ressort
de ces montagnards qui les débitent facilement
pour le prix de dix à quinze francs.
Les campagnards et les habitants du bas Rat—
cha viennent avec des fruits, du bétail qui encombre
les rues, et qui est de petite race, du
millet, du maïs, des poules et des poulets déjà
plumés et prêts à être embrochés. Ils couchent
sur le pavé leurs outres pleines de vin, les quatre
pieds en l’air. C’est un train, une presse, une
confusion de langues, dignes d’un meilleur pinceau
que le mien.
Les soldats russes entassés dans un coin, sous
les abat-vents du bazar, offrent à vendre de
vieilles bottes rapiécées ou des bottes neuves qui
coûtent deux et demi et trois francs, des caleçons,
de grosses chemises, de vieux habits , et
tout ce que leur industrie a su réunir.
Quelques Imérétiennes à demi-voilées, pauvres
et vivant du travail de leurs mains/ débitent de
ces bonnets frondes, des rubans, de petits sacs
brodes, e tc ., retirées dans un coin.
La journée passée, les boutiques se ferment
et chacun se retire chez soi pour faire son repas