velie sous tant d’autres ruines qu’elle est introuvable.
Et maintenant après tant de siècles d’une
vie orageuse, elle est morte. Le mont qui supporte
tant de débris s’élève comme un vaste
tombeau à côté de la nouvelle ville de Koutaïs.
Du milieu des grenadiers, des buis, rien que
pans de murs renversés, que murailles grises
ruinées, que tours dont la moitié a roulé dans
le Phase, et pour enseigne l’antique cathédrale
élève comme une veuve abandonnée ses énôr-
mes voûtes enfoncées, ses portiques ravagés,
pour dire a l’Européen, qui vient rechercher la
gloire de cette capitale de l’antique Colchidé : —
La voici; voici tout ce qu’il eh reste. Je me rebaissais
de mille souvenirs ; je dévorais des jeu x
ces inscriptions mystérieuses, et cette foule de
sculptures mutilées; je scrutais les formes du
passé d’après les restes du présent; enfin, fatigué
de combiner, de restaurer dans ma pensée, de
copier, de dessiner, las d’avoir erré parmi des
pierres mortes couvertes de lierre ou fendues
par le pied des figuiers sauvages, j ’aimais à m’asseoir
au pied d’une tour renversée, sous un grenadier
et à contempler l’un des plus beaux paysages
de l’Iméreth. J’aimais à porter mes regards
au-delà du Phase, écumant parmi les bancs de
rochers et les reposer sur cette nouvelle Koutaïs,
où le vert des beaux arbres se mêle à l’irrégularité
des maisons semées dans la verdure. J’y
reconnaissais parmi de beaux tilleuls antiques
abandonnés, quelques restes de murailles, un
vieux clocher,. . , C’çtait le vrai Koutaïs, palais
d’Aétès, palais des rois des Lazes et des rois de
Géorgie, En remontant le Phase je retrouvais
d’autres ruines; je voyais le Phase sortant de
ces masses et de ces dômes de mélaphyre qui
l’encaissent au-dessus de Koutaïs. Les roches
crayeuses soulevées portent de vieilles tours,
des églises, et dans le fond de la gorge du Phase,
au pied d’une de ces roches blanches, je voyais
Ghélathi et ses églises nombreuses. Je promenais
ma vue sur cette belle et vaste plaine où le Phase
las d’écumer, de bondir, va reposer ses ondes
fatiguées sous l’ombrage des hêtres , des chênes,
des châtaigniers, des lip’hanis, guirlandes de
vigne que renvoient à peine ses eaux trouhles.
Cette plaine ressemble à un lac ou à un golfe de
verdure qui sépare les collines avancées du Caucase
d’avec la chaîne mélaphyrique et crayeuse
d’Akhaltsikhé. Quelle est belle quand elle réfléchit
les derniers rayons du soleil qui dorent ses
cimes et que toutes ses combes et ses vallées se
dessinent dans l’ombre et la lumière (1).
Je revenais enfin gai et content dans mon
(1) Voyez pour comprendre la description de ce paysage,
les deux vues que j ’en donne dans mon Atlas, 2e série pittoresque,
pl. i 3, a et b.