du régiment. M. Démangé était un de ces ouvriers
que M. Gamba avait amenés en Iméretb
pour y fonder son établissement ; il entendait
fort bien son métier, et en très peu de temps il
eut construit, à peu de distance de Bambor, la
scierie la plus commode et la plus simple, bravant
le climat, les Abkhases et mille difficultés;
la place où il voulait placer la scierie était le
fourré le plus épais et le plus impénétrable du
bois ; il fallait détourner un bras de la Khipsta,
creuser un canal, l’encaisser ; rien ne le rebuta ;
sa scierie achevée, ce fut lui qui dressa les soldats
, qui construisit les chariots hauts de roue,
pour transporter commodément les plus énormes
pièces. M. Démangé a vraiment bien mérité
du gouvernement ; mais qui dira à l’autre extrémité
de l’empire tous les sacrifices qu’il a faits ?
Presque sans peine et sans fatiguer le soldat,
on a pu construire en très peu de temps d’excellentes
casernes, vastes et commodes, un bon
lazaret, et des maisons pour les officiers. Le colonel
est aussi bien logé.
Quelle immense amélioration pour l’état sanitaire
du soldat, qui ne succombe pas tant à
cause du climat et des maladies qu’il occasion©
que faute de moyens d’y résister ! Gomment ne
périrait-il pas de maladie et de contagion, entassé
dans des huttes de terre empestées, sotis
un ciel à la fois aussi _ humide et aussi brûlant
que celui de l’Abkhasie ? La première condition
d’une bonne santé, sous un climat pareil, est
une demeure sèche, aérée et élevée autant que
possible au-dessus de la terre humide.
Bambor, dont le nom vient de aborei en ab-
khasien, un enclos à renfermer le bétail, est
aussi un lieu d’exil comme Gagra et Soukoum—
Kalé; mpis c’est déjà un second degré, une case
moins, sévère de purgatoire. On est a l’autre
bout du monde, séparé de toute civilisation ;
mais c’est tout. Le pays est de toute beaute,
d’une magnificence à rivaliser avec les plus beaux
paysages de la Suisse. Avec un peu de soin et de
précautions le climat n’est plus si fatal ; on s’y
habitue, on s’y fait dès qu’on l’a racheté. Il est
rare qu’on ait à craindre pour sa sûreté dans les
alentours; on peut se promener partout sans
crainte jusqu’à dix verst à la ronde. Ce sont les
heureux effets du voisinage du prince d’Abkhasie
soumis à la Russie.
A peu de distance, au N. O. de la forteresse,
s’agrandissait chaque jour un bourg ouvert avec
un bazar ; on favorisait ceux qui voulaient s’y
établir; quelques officiers y avaient des maisons
et des jardins. Tout à coup 4 à 5oo Tcherkesses
tombèrent pendant la nuit, en 18341 sur cette
bourgade et la pillèrent ; depuis [lors on l’a entourée
d’un fossé.